Alors qu’en France, bien souvent, le changement d’année est l’occasion de quelques débordements, un relâchement de notre conscience professionnelle taquinée tout au long du mois de décembre par une terrible envie de faire la fête, il n’est en revanche pour les Japonais qu’une halte, une cassure dans le temps où l’on se retrouve en famille pour mieux ressentir que ça y est, un an ça passe vite. Pas d’excentricité au programme, rien pour sortir le pays de sa torpeur, et surtout rien pour inquiéter réellement les patrouilles de police. Mais cette fois-ci, 2001, nouveau siècle, nouveau millénaire… De quoi s’attendre à un peu plus de folie. C’est du moins ce qui m’a encouragé à sortir dans les rues d’Osaka ce soir du 31 décembre 2000. Je gagnai la rivière Dôtonbori, à Nanba, là où «tous les allumés de la ville devraient se retrouver» me disais-je. Aucune manifestation n’y avait été organisée, mais la foule était au rendez-vous. Au moment du compte à rebourd, l’excitation pouvait être à son comble à l’écoute des voix qui s’élevaient, mais tous restaient plus ou moins statiques… jusqu’à la culbute-éclair. Le basculement en 2001 de cette foule portée par tout un fuseau horaire fut instantanément suivi par celui d’un joyeux luron dans la rivière que l’on surmontait: dobon! Alors que tous les regards pointaient dans sa direction, je fus repoussé violemment par un des policiers qui apparemment n’attendait que ça pour entrer en action. Il m’a fait rater ma photo, le con! Il faisait presque pitié à vouloir faire croire qu’il était le maître de la situation, surtout quand un autre luron s’est pris d’envie de renouveler l’exploit à partir du pont d’en face. Héros de la soirée, nos plongeurs défiaient ouvertement l’ordre public sous les acclamations de la foule et sous le regard ferme de policiers qui semblaient toujours y croire en affirmant par haut-parleur, tels le présentateur à la fin d’un spectacle, que la série de plongeons était terminée. Le nouveau millénaire ne fait que commencer.
Bonne année à tous!
Pierre Ferragut