Vous êtes-vous déjà amusé à observer les Japonais au moment de traverser un passage piéton? Si vous croyez encore qu’ils s’y prennent tous de la même façon en attendant bien sagement le signal avant de faire leurs premiers pas sur la chaussée, détrompez-vous. Bien sûr, cette manière discrète et ordonnée, calquée sur le voisin, est toujours de vigueur au Japon. Feu rouge : immobilisme et silence quasi assuré sur le trottoir. Feu vert : guidés par une petite mélodie électronique, les Japonais emboîtent le pas aux côtés des cyclistes (qui dit vélo dit piéton à deux-roues, rien de plus). Mais tous ne sont pas comme ça. Postez-vous à un carrefour moyennement fréquenté (trop d’affluence ne favorise pas l’originalité) et vous verrez que parfois, feu vert ou pas, cui-cui ou pas, les bandes blanches se voient investies à l’humeur du piéton. Et là où ça devient rigolo, c’est que plutôt que de s’assumer jusqu’au bout en s’assurant qu’aucun véhicule n’est en vue à droite comme à gauche, certains Japonais s’élancent d’un seul coup, n’importe comment. A l’assaut du trottoir d’en face ou simplement d’un peu d’audace? Allez savoir. C’est une véritable entrée en piste qu’ils nous font, sur fond de cui-cui électrique (celui du feu d’à côté, évidemment). Puis voilà qu’une voiture rentre dans la danse à coups de klaxon à répétition: bû bû. Il faut voir alors le piéton improviser un bref pas de tango ! Démarche saccadée, le rythme est rompu. Mais qu’à cela ne tienne: une fois la chaussée franchie, notre aventurier repartira se fondre dans l’homogénéité de la foule.
Pierre Ferragut