Si on peut parfois trouver les Japonais réservés et peu bavards, c’est à leurs yeux qu’il faut se fier. C’est du moins ce que prêtent à croire les innombrables onomatopées utilisées pour exprimer toutes les subtilités du regard. A la lecture de mangas on peut facilement en repérer une dizaine, et les dictionnaires spécialisés en recensent près du double. Après jiro jiro le regard sans gêne (Ovni nº373) et maji maji le regard fixe (Ovni nº403), voici shige shige, le regard scrutateur, quasi inquisiteur. Plus littéraire, cette onomatopée n’est que rarement utilisée dans la conversation et semble carrément étrangère au monde du manga pourtant si foisonnant en la matière. Il y a pourtant des situations au Japon où shige shige vaut mieux que n’importe quelle description détaillée, à l’image du regard que s’échangent ce garçon et ce poisson-lune, prunelles dilatées. Pour assister à ce spectacle, rien de plus simple. Il suffit de vous rendre à l’Aquarium Kaiyûkan d’Osaka. En cette saison de voyages scolaires, les groupes d’écoliers y défilent les uns après les autres en courant un peu dans les couloirs, mais sans oublier d’envelopper du regard ceux qui sont la cause de leur excitation: dauphins, phoques, pingouins, raies, méduses, requins et j’en passe. La visite débute en haut de l’aquarium et vous fait progresser en colimaçon vers les profondeurs, vous permettant d’admirer la faune des différentes strates marines au fur et à mesure de la descente. Un vrai plaisir pour l’œil. Pierre Ferragut