La meilleure façon d’apprécier un livre, c’est peut-être de le lire sans savoir à quoi s’attendre. Avec Face cachée, on est d’abord intrigué par la splendide couverture qui, comme le titre, ne fait finalement rien d’autre qu’attiser la curiosité du lecteur. On sait simplement qu’on est parti pour une histoire de 150 pages en noir et blanc avec un deuxième tome à suivre, alors on plonge la tête la première, avec plein de points d’interrogation en orbite autour du cerveau qui font qu’on s’agrippe. On ouvre grand les yeux. Le travail de Sylvain et Olivier se dévoile doucement au fil des pages et montre à ceux qui en doutaient encore que les grandes paginations et les mises en scène cinématographiques où l’auteur prend son temps ne sont pas l’apanage des mangaka nippons. Enigmatique à bien des égards, Tokyo s’est imposée comme le cadre d’une histoire qui, comme la ville, ne se dévoile que par bribes et de façon toujours inattendue. Même Shibuya et son célèbre carrefour véhiculent ici autre chose que ce Japon qui fait fantasmer toute une génération de Français fans de manga et de j-pop. On cherche à cerner les personnages, mais on se heurte à leur résistance à se découvrir. Par peur de décevoir ou d’être déçu, ils se retiennent à l’extrême, ont certes un nom mais se gardent bien de nous dire réellement qui ils sont. Le livre est beau, alors retenons au moins ces deux-là : Sylvain Runberg et Olivier Martin. Le premier écrit et le deuxième dessine, pour notre plus grand plaisir..
Pierre Ferragut