Né en 1932 à Tokyo, Fukuda Shigeo est l’un des meilleurs graphistes du monde. Ses affiches ont été récompensées par de nombreux prix internationaux, depuis les années 60. Invité d’honneur aux Journées Savignac 2008 à Trouville-sur-Mer, il nous a parlé avec ferveur de son amour pour le graphisme.
Vous êtes arrivé à Trouville guidé par votre affichiste préféré Raymond Savignac.
F. S. : En effet. J’ai découvert Savignac au milieu des années 50, dans le numéro deux du Magazine Idée. J’étais étudiant en design à l’Université Nationale des Beaux-arts et de la Musique de Tokyo. C’était une époque où le travail de composition sur les différentes formes du design, à la suite du mouvement Bauhaus, influençait très fortement tous les amateurs. Aussi ma rencontre avec Savignac fut-elle un choc immense. Avec l’arrivée de Savignac, le style Manga a commencé à être reconnu comme la forme suprême du design au Japon. J’ai été impressionné surtout par l’humour de Savignac. Par exemple, une de ses affiches les plus marquantes montre une tranche de jambon découpée directement sur la bête vivante ! À travers ses œuvres, je pense avoir reçu son message selon lequel “la communication doit être drôle”.
Quelle est votre profession ?
F. S. : Je suis graphiste et spécialiste en communication visuelle. En tant que professionnel, je m’entraîne tous les jours comme un sportif. Même pendant une promenade, j’essaie de trouver et mémoriser une combinaison de couleurs intéressantes. Et quand je rentre chez moi, j’utilise des origami pour bien observer l’association de ces couleurs. C’est ainsi que j’ai crée quelque 3 000 affiches. Je réfléchis tout le temps. Je dois dire aux jeunes qui ont une forte attirance pour le graphisme qu’il faut s’y adonner totalement. Je suis comme un joueur de foot qui doit marquer un but à partir de tous les angles. Mais j’ai un avantage sur les sportifs de haut niveau qui doivent penser à leur retraite dès l’âge de 30 ans, j’aurai la chance de pouvoir continuer à pratiquer mon art très longtemps.
Vous considérez-vous comme un artiste dans la mesure où vos travaux sont souvent considérés comme des œuvres d’art ?
F. S. : Les artistes comme Picasso et Cézanne expriment leur monde intérieur, mais ce n’est pas mon cas. Mes thèmes sont illimités parce que c’est la société qui m’invite à réfléchir et me propose les sujets sur lesquels je vais travailler. Ma source d’inspiration est infinie. Pendant longtemps le design a été considéré comme un art inférieur, mais ce n’est plus vrai. Je crois que, dans peu de temps, un graphiste sera apprécié à égalité au même titre que les autres artistes.
Vous donnez régulièrement des cours de graphisme. Avez-vous des messages pour les jeunes Japonais et Français ?
F. S. : Tout au début, Savignac était un disciple d’un autre maître de l’affiche, Cassandre, mais il l’a quitté pour créer ce qu’il avait vraiment envie de faire. C’est extraordinaire de faire ce que l’on veut ! Les jeunes doivent être passionnés par quelque chose : la musique, la littérature, le cinéma, peu importe. Enfant, je rêvais de devenir dessinateur de manga et je suis devenu graphiste dans l’engouement du design des années 50-60. J’ai toujours adoré produire quelque chose. Ma journée est donc remplie de joie quand je crée mes œuvres, même s’il me faut parfois un temps inimaginable pour juste décider où placer un petit logo.
Propos recueillis par S. Atlan Nakagawa
L’exposition Fukuda Shiego, Une image peut en cacher une autre est ouverte au public jusqu’au 30 novembre à la mairie de Trouville. Entrée libre et gratuite (www.trouvillesurmer.org).