Il est des jours où l’on cherche à se poser, prendre le recul nécessaire pour évaluer un parcours aux allures de bric-à-brac. On jette un œil par dessus l’épaule et on s’aperçoit que bien des choses se sont passées. Après neuf ans à partager le quotidien des Japonais, il y a forcément du bon et du mauvais. Tout ce que j’ai pu écrire au cours de cette épaisse tranche de vie le montre bien. Autant j’ai pu admirer la gentillesse des Japonais, leur sensibilité, leur faculté d’écoute et j’en passe, autant je me suis laissé aller contre les vices d’une société pas toujours bien dans sa peau. Mais le Japon est ce qu’il est. Et c’est ce Japon, avec ses hauts et ses bas, ses détours et ses travers, ses contrastes et ses coups de folie, que j’aime et auquel je suis si attaché. S’il faut de tout pour faire un monde, alors le Japon en est un à lui tout seul. Le foisonnement qu’il met en scène chaque jour ne peut que me conforter dans l’idée que, malgré le conformisme apparent du quotidien, la diversité trouve ici un écho plus que probant. La société nipponne est à l’image d’une langue dont la richesse l’a souvent fait passer, à tort, pour la langue la plus difficile du monde. Les onomatopées sont là pour témoigner en toute simplicité de la profusion des sons, mais aussi des comportements, des ambiances, des sentiments, des émotions. Trésor d’une langue bien vivante que le temps façonne au gré des saisons. Il est des jours où il fait bon de se poser, laissant l’objet de sa quête filer avec le temps, comme le cerf-volant emporté par la bise: hyuuuu (ヒュー). Son ascension n’en sera que plus belle. Pierre Ferragut |