Quand je lis ici ou là dans les médias de l’Hexagone que les Français peuvent désormais faire des merveilles avec leur téléphone portable, qu’on ne compte plus le nombre de SMS échangés dans une journée ou que les appareils équipés d’une mini-caméra ne constituent maintenant plus un luxe, j’ai l’impression de faire un retour quelques années en arrière. Au Japon, l’effervescence médiatique et populaire autour des fonctions communicatives révolutionnaires du téléphone portable est aujourd’hui quelque peu retombée. L’innovation se fait aujourd’hui, par exemple, par l’ajout d’un porte-monnaie électronique qui fonctionne comme une carte de crédit (va-t-on enfin voir les Japonais arrêter de se trimballer avec des liasses de billets sur eux?). Devenu irremplaçable, voire indis-pensable, le portable est donc bel et bien ancré dans les mœurs et semble avoir irrémédiablement marqué l’approche com-municative d’une grande partie des habitants de l’Archipel. Seul face à son minuscule écran, la tête baissée donc, notre ami paraît ignorer tout ce qui l’entoure. Planté au milieu de nul part: potsun, il voit le monde à travers ces quelques centimètres carrés de pixels… Je négative? Pas du tout: avant lui, ses aînés touristes ont pris l’habitude de contempler la planète par le biais de l’objectif de leur appareil-photo et ça ne les empêche pas de lier conversation avec leur entourage. Même muni d’un portable, n’importe quel Japonais est tout aussi capable de sociabilité. Le seul problème, c’est que cet entourage est généralement déterminé par un statut social aux barrières plutôt rigides. Et je me dis que finalement l’utilisation du téléphone portable ne fait rien d’autre que renforcer les liens avec son groupe.
Pierre Ferragut