Passée sous la barre des 8000 points le 10 mars, la Bourse gagne 1,03 % le 13, perd 0,94 % le 14 et clôture l’année fiscale avec 7972 points, un triste record depuis 20 ans. Le conflit américano-irakien n’est pas étranger à cette morosité mais il ne justifie pas tout : début mars, avant le conflit, sur 1500 sociétés cotées, seule une cinquantaine avaient un cours supérieur à celui de 1990. Depuis le 20 mars, Fukui Toshihiko est le nouveau banquier central, il lui revient d’enrayer la déflation qui touche le Japon, cette baisse des prix qui dure depuis plus de trois ans. Ainsi pour soutenir l’indice Nikkei, la banque du Japon est en train d’acquérir un maximum d’actions détenues par les banques afin de limiter leur exposition au marché et d’alléger leur portefeuille de titre (objectif d’achat :15,5 milliards d’euros). Indépendante, la BOJ cherche néanmoins à travailler de conserve avec le gouvernement en place qui lui suggère l’idée (rejetée par l’ancien gouverneur) de créer une cible d’inflation de 2 ou 3 % afin d’enrayer la déflation. Pour le moment Fukui observe l’évolution du conflit en Irak tout en assurant aux établissements financiers les liquidités nécessaires à court terme et en pensant doubler l’achat d’actions auprès des banques (jusqu’à 30 milliards d’euros). Le gouverneur qui se positionne pour l’instant dans la continuité et le Premier ministre Koizumi, dont la popularité est en chute libre (récemment vertigineuse à cause de sa position pro-américaine dans le conflit), vont devoir s’atteler aux mêmes et inextricables questions cette année encore : comment se débarrasser des créances douteuses? Comment relancer la consommation? Comment juguler la baisse des prix? Difficile de penser purement économie quand les conflits mondiaux vous menacent, car des inconnues intègrent alors l’équation et la rendent insolvable au-delà d’un certain point. |
Brice Pedroletti, «Fin d’année fiscale morose pour le Nikkei», Le Monde, 1/04/03. Jean-Pierre Robin, «La banque du Japon refuse l’audace», Le Figaro économie, 28/03/03. Arnaud Rodier, «Les comptes des entreprises nippones ravagés par la plongée du Nikkei», Le Figaro économie, 25/03/03. Brice Pedroletti, «Le Nikkei au plus bas depuis 1983», Le Monde, 11/03/03. |
LE DEFI DE CARLOS GHOSN… Depuis 1999, Renault travaille à sortir Nissan de l’ornière avec comme figure de proue, Carlos Ghosn. L’occasion est donnée grâce à la parution prochaine d’un ouvrage écrit par l’Américain David Magee (Comment Carlos Ghosn a sauvé Nissan) de faire le point sur les méthodes de ce patron, parmi «les plus respectés au monde», selon le Financial Times. Le point fort du parcours de Ghosn chez Nissan, c’est d’avoir su remettre en cause les traditions qui structuraient jusque-là l’entreprise japonaise. Ainsi le plan «Revival» avait prévu de bouleverser les habitudes et de faire en sorte que les employés l’acceptent. Emploi à vie et salaire à l’ancienneté ont été remplacés par des mesures qui impliquent davantage l’employé dans sa tache : c’est la performance qui est récompensée. La vision globale de l’entreprise est expliquée pour que les stratégies soient transparentes et que les employées se les approprient. Il faudra cesser de discuter sur les problèmes et favoriser l’action. Un cadre japonais reconnaît que l’habitude est de planifier pendant 60 % du temps. «Consacrez 5 % de votre temps à la planification et 95 % à la mise en œuvre» est l’une des nouvelles directions à prendre. Un système de procédure unique a été mis en place (englobant Nissan Europe, Nissan Amérique etc…) qui a homogénéisé les règles, ainsi maintenant chez Nissan, au Japon comme ailleurs, il arrive que des salariés aient comme responsable une personne plus jeune qu’eux. Dorénavant, les responsables de Nissan ont droit à des stock-options et des primes saluent les performances. Les salariés et les responsables ont eu l’occasion de créer le changement et dix-neuf mois après la mise en œuvre du plan, les résultats sont encourageants. Ghosn a été bien accueilli parce qu’il a respecté le fait que supprimer des emplois au Japon était peut-être plus difficile qu’ailleurs car si Nissan a remis en question les anciennes règles, elles sont toujours en vigueur dans les autres entreprises japonaises et une personne licenciée par Nissan ne retrouvera pas forcément un emploi dans un autre groupe. Pré-retraites et temps partiels ont alors été privilégiés à l’époque. Aujourd’hui Nissan va mieux, crée de nouveaux modèles de voiture et embauche ! |
Laurent Guez, «Le magicien Ghosn», Le Figaro entreprise, 24/03/03. David Magee, «Le sauvetage de Nissan en direct», Le Figaro entreprise, 24/03/03. |
SUIVISME… L’opinion publique japonaise est clairement opposée à la guerre en Irak, à 80%, mais le premier ministre Koizumi s’est rangé du côté américain, sans plus d’explication. Devant la menace nord-coréenne, il semble qu’il ne veuille se désolidariser des Etats-Unis qui assurent la protection du Japon. D’un autre côté, se rendant compte à quel point Tokyo est dépendant des services de renseignements américains, le gouvernement japonais a lancé 2 satellites espions le 28 mars. «Le soutien de Koizumi à la guerre américaine en Irak est un message clair envoyé à Kim Jong-il» analyse un observateur étranger à Tokyo (le professeur Jean S.Curtin). Si le premier ministre essaie de jongler avec les intérêts nationaux, l’opinion publique pacifiste ne voit pas le monde du même œil. |
Philippe Pons, «Irak, le Japon s’aligne», Le Monde, 20/03/03. Philippe Pons, « Le Japon s’est doté de deux premiers satellites espions», Le Monde, 29/03/03. |
Jennifer Pocart |