Tout au long des années 1990, le Japon est, en nombre de films (une trentaine), le premier marché non francophone des films français, et l’un des plus rémunérateurs (en raison du prix très élevé de la place de cinéma – 13e environ). La sortie d’un film français est, en règle générale, de configuration restreinte (une salle) ; l’exploitant, qui a obtenu l’exclusivité, contribue en contrepartie à la promotion du film et permet au distributeur (qui a versé à l’exportateur français un “minimum garantie” allant de 50 000$ à 300 000$) de limiter sa prise de risque. Néanmoins, un changement s’amorce à la fin de la décennie. En 1998, Dobermann, de Jan Kounen, puis Taxi, produit par Luc Besson, distribués l’un et l’autre par Comstock, bénéficient les premiers du traitement habituel-lement réservé aux films américains (les opérateurs américains détiennent 70% du parc des salles, ce qui assure à ces films le quasi-monopole des sorties massives et de l’exposition médiatique). Cette évolution se poursuit en 2000 grâce à l’exceptionnelle popularité de Luc Besson dont deux films étaient à l’affiche, Jeanne d’Arc en tant que réalisateur et Taxi 2 en tant que producteur. Ces deux films, sortis “à l’américaine” (150 copies et un budget promotionnel de 4 millions de dollars environ) par Sony et Nippon Herald, distributeurs utilisant le réseau des salles Roadshow, réalisent respectivement 1,4 million et 850 000 entrées. Mais la vogue des films français est indépendante du “phénomène Besson” (ce dernier n’étant par ailleurs pas infaillible : Taxi n’avait réalisé que 350 000 entrées en 1998). Non seulement davantage de films français sont sortis en 2000 au Japon (quarante), mais les bonnes performances ont été plus nombreuses. Pola X (un film de Leos Carax, avec Catherine Deneuve, distribué par Eurospace, a fait 54 000 entrées), La Fille sur le pont (de Patrice Leconte, distribué par Cinéma Parisien – 44 000 entrées) ou les Enfants du siècle (de Diane Kurys, avec Juliette Binoche, distribué par Asmick Ace – 20 000 entrées) ont obtenu des résultats similaires à ceux du Grand bleu (40 000 entrées) ou de Conte d’Automne, d’Eric Rohmer (23 000 entrées) en 1998. Le cinéma français bénéficie désormais de fervents sympathisants, non seulement parmi les distributeurs (Eurospace a coproduit et distribué un grand nombre des films de François Ozon dont il est un amateur inconditionnel), mais aussi parmi les spectateurs, adeptes des salles d’art et essai de Shibuya et las des multiplexes. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur l’année 2001, l’absence d’organisme centralisateur des résultats des films en salles ralentissant la collecte et l’analyse des chiffres. Au regard des résultats des films français tant chez eux qu’à l’étranger, il est toutefois permis d’être optimiste.L’année 2001 a été remarquable pour le cinéma français tant en France où il a obtenu 40% de parts de marché (pour 30% en moyenne habituellement), qu’à l’étranger où il a généré 6 millions d’entrées au cours des sept premiers mois de l’année sur ses sept principaux marchés (l’Allemagne, l’Espagne, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Italie, le Québec et la Suisse) – une hausse de 40% par rapport à 2000 – grâce aux films phares qu’ont été notamment Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, Les Rivières pourpres, ou Le Pacte des loups. Certains chiffres sont d’ores et déjà disponibles pour le Japon. Distribué par Gaga Communi-cations, Les Rivières pourpres a connu un grand succès (850 000 entrées), tout comme Amélie dont le distributeur, New Select, a publié à la fin du mois de décembre les premiers résultats : plus de 100 000 entrées en cinq semaines dans dix-sept salles. Roberto Succo, Mademoiselle, Trouble Every Day, La Répétition,… sont autant de films qui ont trouvé acquéreur (respectivement Longride, Cinéma Parisien, Kinétique, coproducteur du film de Claire Denis, et Kikkatsu) et devraient, au regard de cette amorce de “résurrection”, rencontrer l’approbation du public. Et si l’heure était venue pour Emmanuelle Béart ou Sandrine Bonnaire de succéder aux acteurs de la Nouvelle vague dans les cœurs japonais? Guibourg Delamotte |