”Longue vie à Ono Kazuo Son regard est vif, perçant et espiègle, comme celui d’un petit garçon prêt à tout pour vous amuser et vous surprendre. “Je suis originaire du Hokkaido”, lance-t-il brusquement. “Là où il y a des ours et des saumons. Ce chapeau que je porte m’inspire et me donne envie de me transformer en saumon…” Le voilà qui nage dans la mer où il nous invite à plonger. Epicurien, ce saumon ondule en suivant le courant qui lui donne visiblement des sensations plutôt agréables. Entouré de jeunettes qui figurent les algues et qui sont plus belles les unes que les autres, on ne remarque que lui qui nage maintenant à contre courant. Il s’en donne à cœur joie, heureux comme un poisson dans l’eau, c’est le cas de le dire. Son fils Yoshito – un jeune homme de soixante-dix ans – surveille du coin de l’œil ce nonagénaire qui est un vrai trésor national vivant. Impossible de l’arrêter, en dépit des messages télépathiques du fiston qui essaye de lui faire savoir qu’il s’est assez dépensé comme ça. Non seulement il oublie qu’il n’a plus vingt ans, mais on l’oublie avec lui. Quand il sort de sa transe de jeune saumon, on n’en revient pas de voir qu’il peine un peu à marcher. Les bouquets de fleurs qu’on lui apporte illuminent son visage. Pétillant, il se remet à danser. Un ange passe. La salle est hypnotisée par son charisme, la luminosité de son aura. Le fiston s’agite un peu. “A ton âge, tout de même”… Comme pour le narguer, il continue de plus belle. Plus moyen de l’arrêter… Son exploit a de quoi rassurer les démographes qui s’inquiètent de voir vieillir le Japon. Muriel Jolivet 27/4/2000 L’art de baigner dans l’amae (2) (1) Forme de danse stylisée avant-gardiste qui remonte aux années soixante et qui accorde une grande part à l’improvisation. Il s’agit d’un genre unique au monde qui a emprunté au théâtre No, au Buyo (la danse japonaise traditionnelle) et peut-être même à la pantomime. 2) Mot rendu populaire par le psychiâtre Doi Takeo, après la parution de son livre “Amae no kôzô”, paru en français sous le titre “Le jeu de l’indulgence” Ed L’Asiathèque. |
Place aux vieux! A la station de Nakano, un homme grisonnant est monté dans le train en criant «Debout!» à un monsieur en complet gris qui était tranquillement assis sur la banquette réservée aux personnes âgées. Obéissant à l’ordre reçu, il lui a cédé sa place sans broncher. L’autre s’est assis sans un mot de remerciement. Peu après, celui qui s’était levé s’est penché vers l’autre pour lui demander doucement: «Excusez-mon indiscrétion, mais pourriez-vous me dire votre âge, si toutefois cela ne vous dérange pas?» Surpris, il a baragouiné: «J’ai 64 ans…» l’air de dire «et alors?» Celui qui était debout a renchéri: «Ah bon! Moi, j’ai 76 ans. Je suis toujours flatté de paraître moins que mon âge…» Le plus jeune a rougi de honte avant de se fondre dans la foule. Stoïque celui de 76 ans est resté debout jusqu’à ce que l’autre descende… Kusaka Maki
A en dormir debout…
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