Depuis une petite dizaine d’années, les éditeurs français font un effort particulier pour publier de nouveaux auteurs japonais. Après Murakami Haruki au Seuil et Murakami Ryû chez Picquier, le Mercure de France propose aujourd’hui la belle traduction d’un roman de Tsuji Hitonari, Le Bouddha blanc (1), dont l’histoire inspiré par son grand-père révèle un très grand écrivain. De passage à Paris, l’auteur a répondu à nos questions.OVNI : Vous avez publié plusieurs romans au Japon. Certains d’entre eux comme Kaikyô no hikari (La lumière du détroit, éd. Shinchôsha, 1997) ont même été couronnés par des prix littéraires. Pourquoi le choix de la traduction française s’est-il porté sur le Bouddha blanc ?
Tsuji Hitonari : C’est un concours de circonstances heureux qui a permis la publication de cet ouvrage en France. A l’occasion de la foire du livre de Francfort, mon éditeur a parlé de ce roman à Marie-Pierre Bay qui dirige la collection bibliothèque étrangère au Mercure de France. Elle a été emballée par le sujet qui est basée sur une véritable histoire, celle de mon grand-père. Son enthousiasme m’a touché d’autant plus que ce livre est mon préféré. J’imagine que la facture classique de ce roman qui contient des ingrédients typiquement japonais a aussi contribué à séduire Mme Bay et, j’en suis sûr, permettra de conquérir de nombreux lecteurs français.OVNI : Le Bouddha blanc est le plus autobiographique de vos romans. Il apparaît également comme le plus abouti d’où se dégage une impression de tranquillité.
T. H. : En effet, je me suis inspiré de l’histoire de mon grand-père pour écrire ce livre. C’est ma mère qui m’avait raconté son extraordinaire aventure et cela m’avait tout de suite emballé. Et puis, j’étais à un moment de ma vie où je me posais beaucoup de questions sur le roman et sur les raisons qui me poussaient à en écrire. Ces interrogations combinées à une histoire qui me touchait directement ont contribué à donner un sens original à ce livre. Je considère Le Bouddha blanc comme un aboutissement. Tous les livres que j’ai pu écrire avant lui étaient pour moi un entraînement. Dans la vie des écrivains, il y a plusieurs étapes. Le Bouddha blanc n’est bien sûr pas la dernière pour moi, mais c’est sans doute un pallier dans ma carrière d’écrivain. Depuis j’ai écrit un autre roman Wild flower (éd. Shûeisha, 1998) que je n’aurais sans doute pas pu écrire si je n’avais pas publié Le Bouddha blanc.OVNI : Vous vivez à New York comme d’autres artistes japonais. Pourquoi avez-vous ressenti le besoin de quitter le Japon ?
T. H. : J’ai quitté le Japon après la publication du Bouddha blanc. Après la plongée dans mon passé qui a accompagné l’écriture de ce roman, j’ai eu besoin de prendre de la distance avec le Japon. A New York, j’ai découvert une certaine liberté et la notion de cosmopolitisme. En même temps, ma vision du Japon a totalement évolué à l’instar de mon grand-père qui, lui aussi, avait radicalement modifié son regard sur les autres en édifiant ce bouddha géant.OVNI : Au regard de cette expérience, quel doit être selon vous le rôle de l’écrivain dans la société ?
T. H. : C’est une question difficile. A mon sens, un artiste qui s’intéresse à la politique et qui en parle, c’est plutôt normal. Mais pour moi, il a une tâche beaucoup plus importante à remplir, celle de rapprocher les individus entre eux pour qu’ils aient une meilleure compréhension de leur vie. Cela suppose que l’écrivain dispose d’un point de vue neutre. C’est en tout cas comme ça que j’envisage mon rôle si tant est que j’en ai un. J’essaie d’envoyer des messages aux uns et aux autres…Propos recueillis par Claude Leblanc(1) traduit par Corinne Atlan, Mercure de France, coll. Bibliothèque étrangère, 1999, 140FF.