Pour ceux qui ne le sauraient pas, les Japonais aiment les acronymes. Cela ne date pas d’aujourd’hui même si à l’ère du téléphone portable et des messageries instantanées, ils ont tendance à se multiplier. La presse en regorge et il n’est pas toujours aisé d’en comprendre le sens. Les lettres latines envahissent ainsi l’espace occupé jadis par les kanji (caractères chinois) et les kana (syllabaire japonais). Ce mode d’expression est évidemment très en vogue chez les jeunes Japonais qui, avec leur KD (Keitai Denwa, téléphone portable), échangent des messages auxquels la plupart des parents ne doivent rien comprendre faute de disposer d’un dictionnaire adapté et remis à jour en permanence. Car ces acronymes évoluent. Ils sont très liés à la culture populaire qui est en perpétuelle ébullition. C’est notamment vrai dans le monde de la musique. Au cours des dernières années, il a enregistré de nombreux bouleversements. Ce qu’on appelle la J-Pop (Japanese Pop) a perdu un peu de sa superbe au profit d’autres genres qui en sont néanmoins dérivés. La musique standardisée, interprétée par des artistes dont on a l’impression qu’ils ont été produits à la chaîne tant ils se ressemblent, n’occupe plus la place hégémonique qui était la sienne il y a une dizaine d’années. L’avènement d’Internet n’est pas étranger à cette évolution. Tandis que les maisons de disques contrôlaient les canaux de distribution et pouvaient imposer les artistes et les styles qu’elles souhaitaient, l’émergence de nouvelles formes d’échanges a donné aux individus plus de liberté, leur permettant d’échapper aux diktats de la communication de masse. Par ailleurs, de nouveaux centres de production culturelle ont fait leur apparition. C’est notamment le cas d’AKB (Akiba, Akihabara), l’ancienne Mecque de l’électronique à Tokyo devenue le cœur de ce qu’on pourrait appeler la culture otaku où tous les AO (Akihabara no Otaku, les otaku d’Akihabara) se donnent rendez-vous pour partager leur amour de l’anime, du manga et de tous les produits qui en sont dérivés. L’A-Pop en fait partie. A pour Akihabara ou pour Anime, c’est selon. Ce nouveau genre est en train de tailler des croupières à la J-Pop, victime de la crise du disque et du désintérêt croissant des jeunes Japonais pour la musique imposée. Au grand étonnement des principales maisons de disques, la chanson Motteke! Sêrâ fuku, générique de l’anime Raki Suta, a fait un carton alors que cette émission n’était pas diffusée sur l’une des grandes chaînes, détrônant même pendant quelques jours le groupe Yuzu en tête des meilleures ventes. Le bouche-à-oreille joue un rôle considérable dans la mesure où l’engouement pour tel ou tel artiste trouve son point de départ dans l’une des innombrables boutiques du quartier. Celles-ci contribuent beaucoup à faire le succès des uns et le malheur des autres. Certains l’ont bien compris à l’instar d’Inoue Shunji, le patron de Lantis, société qui produit et distribue des artistes issus de cet univers. Ceux qui ne comprennent pas ce mouvement sont des KY (Kûki Yomenai, incapables de lire l’atmosphère du moment), autrement dit de vilains ringards. Compte tenu de la bonne santé des secteurs de l’anime et du jeu vidéo au Japon mais aussi au-delà des frontières de l’Archipel, l’A-Pop pourrait sans doute mieux réussir à l’étranger que les artistes de la J-Pop considérés comme trop japonais. Kokia en est d’une certaine façon une bonne illustration. Même si elle n’est pas un pur produit A-Pop (elle a tout de même commencé sa carrière par la bande son d’un jeu vidéo), elle réussit bien à l’étranger car on la présente avant tout comme “la voix du film d’animation Origine”. Le groupe JAM Project (Japan Animationsong Makers Project) à qui l’on doit les génériques de Dragon Ball et Pocket Monster fera une tournée aux Etats-Unis, au Brésil et au Mexique en 2008, preuve que l’A-Pop pourrait se substituer à la production classique. Mais la J-Pop n’a pas seulement à craindre l’A-Pop. Elle va devoir s’accommoder de la montée en puissance des ABC (American Born Chinese, Chinois(es) né(es) aux Etats-Unis) comme Tiana Xiao qui entendent bien séduire le marché japonais, l’un des plus actifs de la planète. Voilà qui promet de belles joutes musicales pour tous ceux qui, comme moi sont DD (Daredemo Daisuki), c’est-à-dire éclectiques dans leurs goûts musicaux. Claude Leblanc |
Le logo de JAM Project en dit long sur les ambitions planétaires
de ce groupe représentatif de l’A-Pop |
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Dans les kiosques | |
Pour ne pas perdre totalement le fil de l’actualité culturelle et découvrir les dernières tendances, les Japonais ont évidemment Internet. Ils peuvent aussi consulter plusieurs publications qui leur donneront les clés pour rester en phase avec les changements. Nikkei Entertainment appartient au groupe Nikkei, plus connu pour ses contenus économiques. Chaque mois, le magazine décrypte l’actualité à l’instar d’Oricon Style. Propriété du groupe Oricon, spécialisé dans l’établissement des palmarès, cet hebdomadaire offre une bonne présentation de ce qui fait bouger la jeunesse nippone. Un bon moyen pour les industriels de proposer de nouveaux produits à ces jeunes toujours prêts à consommer. | |
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Entretien : KOKIA, CHANTEUSE ET AUTEUR-COMPOSITEUR |
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Depuis combien de temps êtes-vous dans la chanson ? Kokia : La France n’a découvert que récemment mon existence. Pourtant cela fait tout juste 10 ans que je suis musicienne au Japon. Dix années sont passées, et je suis parvenue non sans mal à imposer mon style et à interpréter les chansons qui me plaisaient. J’ai toujours été très curieuse d’observer et de tester la scène musicale à l’étranger. Voilà pourquoi je suis vraiment ravie de pouvoir faire entendre mes chansons au public français et belge.La chanson japonaise commence à s’exporter en Asie du Sud-Est et en Europe. Quel est votre sentiment à l’égard de cette tendance ? K : Si l’on compare avec ce qui se passe dans d’autres pays, j’ai le sentiment que la musique au Japon manque d’originalité. Si elle pouvait revendiquer ne serait-ce qu’un peu d’authenticité, je pense qu’elle pourrait s’imposer sans problème dans n’importe quelle autre partie du monde. Pour ma part, je n’apprécie guère de jouer des chansons trop à la mode. C’est la raison pour laquelle je n’aime pas beaucoup ce qu’on appelle la J-Pop. En revanche, j’adore écouter la musique des autres qu’elle soit l’œuvre d’un seul ou d’un ensemble et quelle que soit son origine. Vous vous êtes montrée assez Dans vos chansons, quel est votre principal sujet d’inspiration ? Après |
DR Kokia de son vrai nom Yoshida Akiko a commencé sa carrière en |
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