On l’avait un peu perdu de vue, sauf comme scénariste, auteur de manga, ou producteur (Memories). Mais Otomo Katsuhiro nous revient, seize ans après le film-culte Akira, et treize ans après son film live World apartment horror (toujours inédit en France), avec Steamboy. Situé dans une Angleterre victorienne toute puissante (et un peu caricaturée…), Steamboy est évidemment un film ambitieux, qui synthétise la fascination d’Otomo pour la science mécanique rétro et les machineries artificielles, tout comme sa méfiance envers la possibilité d’une “machinocratie” délirante et dangereuse. Sur fond de conflit de générations entre le grand-père inventeur, le père (Eddie), ivre de puissance, et le fils, Ray, encore jeune et enthousiaste, Otomo et son équipe créent un univers mi-réaliste, à la Dickens, mi-fantastique, où les inventions diaboliques (le château de Vapeur, et les robots militaires, entre autres) et les figures réelles ou inventées s’en donnent à coeur joie dans une lutte perpétuelle et meurtrière. L’énergie première ici n’est pas l’électricité ou l’atome, mais la vapeur, convoitée à la fois par le père de Ray, les méchants ivres de puissance mondialiste, et l’ingénieur Stephenson, dans une parabole qui préfigure la SF plus moderne. Très spectaculaire dans ses effets, spéciaux ou non, Steamboy reprend divers thèmes comme la volonté de puissance, le mythe d’Icare et la chute (des objets volants), ou la boite de Pandore, qui évoquent le plus souvent ceux de Miyazaki Hayao (Nausicaa, Kiki la petite sorcière, et surtout Le Château dans le ciel, alors qu’on attend bientôt son dernier film, Le Château du magicien, présenté à la Mostra de Venise), en moins ouvertement ludique. Malgré toutes ses qualités techniques et graphiques, et l’énorme travail d’équipe qui a présidé à sa réalisation, Steamboy souffre parfois de ces comparaisons, mais aussi d’une durée excessive pour un animé (2h06) qui nuit un peu à l’ensemble, et n’en fait pas le chef d’œuvre attendu. Mais le film reste impressionnant, et les amateurs d’animés, tout comme ceux d’Akira, ne manqueront pas de se précipiter dans les salles projetant ce film étrange et hors-norme, une sorte… d’OVNI, comme l’est Innocence de Oshii Mamoru, dans un tout autre style graphique. Par ailleurs, soulignons l’intérêt de la nouvelle rétrospective cinéma de la MCJP, consacrée cette rentrée (jusqu’au 2 octobre) à Toyoda Shirô (1906- 1977), cinéaste majeur de l’Age d’or du cinéma japonais, et qui n’est pas apprécié à sa juste valeur par une critique française qui se raccroche toujours aux mêmes noms. Ce sera donc l’occasion de découvrir ou de revoir de très beaux films, la plupart étant des adaptations littéraires, comme L’Oie sauvage (Gan, 1953), La Relation matrimoniale (Meoto Zenzai, 1955), Un Chat, Shozo et deux femmes (Neko to Shozo to futari no onna, 1956), Le Pays de Neige (Yukiguni, 1957, d’après Kawabata), ou Pèlerinage nocturne (Anyakôro, 1959), parmi treize fims très rares. Un remède efficace contre les balbutiements éventuels de certains films japonais actuels fort surestimés. Une rétrospective passionnante à ne pas manquer. Soreja, mata,
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Steamboy de Otomo Katsuhiro Steamboy de Otomo Katsuhiro (2h06) Hommage à Toyoda Shiro, à la Maison de la Culture du Japon à Paris. Jusqu’au 2 octobre. Tél. : 01 44 37 95 00 |