Il est désormais acquis que la plupart des films japonais distribués en France sont, ou seront, disponibles en DVD, le support favori du “cinéma de salon”, en passe de détrôner la vidéo. En voici pour nouvelle preuve la sortie, chez Arte Vidéo, des deux célèbres films d’Oshima Nagisa, L’Empire des sens (Ai no Korida, 1976), et L’Empire de la passion (Ai no bôrei, 1978). Le premier, “film-scandale” présenté à la Quinzaine de Cannes 1976, est devenu un classique du “porno d’auteur”, ayant marqué une étape décisive dans la percée d’Oshima sur la scène internationale. Alors que le film, étendard de la révolte sexuelle des années post-1968 est lourdement censuré au Japon, le public français et international découvre Oshima en France, sans vraiment connaître son œuvre antérieure. L’Empire des sens nous revient aujourd’hui dans sa version intégrale restaurée, sous la forme d’un coffret “collector” chez Arte Vidéo, qui contient aussi sa fausse suite, L’Empire de la passion. Un bonus “autour du film” nous propose les témoignages entrecroisés de personnes ayant présidé à la genèse du film, à commencer par Shibata Hayao, qui fut à l’origine de la rencontre entre Oshima et le producteur Anatole Dauman, aujourd’hui disparu, et dont manque évidemment le témoignage primordial. Deux cinéastes amis d’Oshima se remémorent le tournage : Wakamatsu Kôji, alors directeur de production et Sai Yoichi, qui était premier assistant. Tandis qu’Asakura Yôko, de Gaga, qui a réédité les films d’Oshima en 2000, apporte une vision plus récente, et en français.
Quant à L’Empire de la passion (prix de la mise en scène à Cannes 1978), est en fait une version toute personnelle du Facteur sonne toujours deux fois transposé dans l’univers du film de fantôme nippon par la magie plastique du grand opérateur Miyajima Yoshio, et l’extraordinaire partition de Takemitsu Tôru. Il est accompagné de très intéressants commentaires de Narita Yûsuke, assistant sur le film. Un chapitre un peu trop “copié-collé” sur le cinéma érotique japonais, des pinku-eiga aux roman-poruno complète ce bonus inégal, de même qu’un livret assez complet sur les deux films. Alors qu’Oshima lutte contre la maladie depuis son dernier film, Tabou (Gohatto), il est émouvant de revoir ces deux films qui l’ont hissé au rang de “grand cinéaste du monde”, avant de connaître les affres des productions à l’étranger avec Max mon amour et le rejet de la production japonaise.
Aujourd’hui, L’Empire des sens ne fait plus guère “scandale”, il faut aller plus loin, et plus profond dans l’horreur. Ce qui est le cas du “film-culte” choc du très prolifique (et très inégal) Miike Takashi, Audition (desFilms, Studio Canal) avec bande-annonce, long entretien avec Miike, filmographie, et surtout, un commentaire audio de l’auteur sur la fameuse scène finale, à ne pas manquer. C’est un régal d’auto-analyse perverse, par un trublion du cinéma. Enfin, pour ceux qui ne l’auraient pas vu, signalons encore l’excellent film “messmérien” de Kurosawa Kiyoshi, Cure chez MK2 Découvertes. C’est le film qui fit découvrir le jeune Kurosawa à l’étranger, et qui reste l’un de ses meilleurs avec Kairo et Charisma édités chez Arte Vidéo. Tout ceci n’étant que la partie visible de l’iceberg DVD!
Sore ja, mata,
Max Tessier
Yoshiyuki Kazuko et Oshima Nagisa pendant le tournage de L’Empire de la passion (1978)Les sorties DVD
– L’Empire des sens et L’Empire de la passion, d’Oshima Nagisa. Arte Vidéo, “coffret collector” numéroté, son et images restaurés, avec bonus et un livret de 44 pages. Prix indicatif: 50e.
– Audition, de Miike Takashi avec bonus, entretien, filmographie, bande-annonce, etc. DesFilms, Studio Canal
– Cure, de Kurosawa Kiyoshi, avec une préface de Thierry Jousse, bandes-annonce et chapitrage. MK2 Découvertes.