Une joyeuse farandole de champignons géants multicolores, tachetés de grands yeux ronds, entourent Mr Dob, une sympathique souris à l’air déterminé, improbable croisement entre Doraemon et Mickey. Bienvenue à la Fondation Cartier où Murakami Takashi, “l’un des artistes japonais les plus populaires aujourd’hui”, prend ses quartier d’été. Murakami (40 ans) puise dans ses influences, aussi bien issues du pop art que du manga et des animés, pour constituer un univers néo-pop acidulé qui revendique clairement ses influences nippones. Il investit magnifiquement le bâtiment tout de verre et d’acier du musée (ce qui lui fait d’ailleurs dire “qu’on voit bien qu’en France, il n’y a pas de tremblements de terre!”) avec de nombreuses créations pour la plupart inédites. Les supports variés (tableaux ectoplasmiques, champignons géants en céramiques, papier peint et même une sculpture-ballon!) nous présentent un univers parfois à la limite du psychédélique, peuplé de souriantes mascottes enfantines et, en apparence, effectivement très “kawaii” (mignon). En apparence seulement car les figures récurrentes de son œuvre, à l’image des différents visages de Mr Dob, perdent parfois de leur innocence dans des représentations autrement plus ambigües. Ainsi cet immense et troublant pan de mur uniquement peuplé d’yeux dans tous leurs états ou ces motifs floraux omniprésents peuplés de fleurs bien trop souriantes pour être honnêtes. Cette représentation pop et ambivalente s’illustre bien avec “Ovale”, autre mascotte de l’artiste, bébé géant aux multiples visages (tantôt serein, tantôt démoniaque, selon qu’on le regarde de face ou de dos), représenté ici sous la forme d’un innocent ballon en lévitation dans le jardin du musée. Mais ma préférence va aux “placides” champignons qui peuplent l’expo, bel échantillon des 400 variétés imaginées par Murakami. Présents sous forme de céramiques (d’1,50m à 3 m de hauteur) ou d’acryliques, toujours recouverts de ces fameux yeux et parfois à la dentition peu rassurante, ils remportent aussi les suffrages des nombreux jeunes visiteurs de l’exposition que l’on a parfois du mal à empêcher de grimper dessus! La seconde exposition, “coloriage”, se révèle quant à elle nettement moins convaincante. Murakami y présente pêle-mêle divers artistes et mouvements culturels nippons (des peintures et shows télé de Kitano Takeshi aux fillettes “à l’ancienne” de Tsutaya Kiichi en passant par Gundam et sa cohorte de robots géants) représentatifs de “la nouvelle subculture de Tôkyô”. On y trouve par exemple les œuvres de Mizuki Shigeru, l’un des maîtres du manga (auteur du fameux “Gege no Kitaro”), encadré par deux téléviseurs diffusant un reality show (assez ahurissant, il est vrai) face à un mur peuplé de Pokemon. Le reste de “coloriage” faisant la part belle à des artistes que l’on a parfois l’impression de survoler au vu du peu de place qu’il leur ait souvent accordée et qui collent peut-être un peu trop à l’idée préconçue que l’occident se fait de l’imagerie nippone pour surprendre vraiment. Mais, au vu de ses principales réfèrences, peut- on vraiment s’étonner que Murakami fasse la part belle aux mignonnes mascottes animalières (TarePanda) ou aux jeunes filles aux grands yeux (Di Gi Charat)? On retiendra tout de même dans ce joyeux bazar quelques bonnes -et dérangeantes- surprises avec la fresque à l’horreur aseptisée (on est pas loin de Murakami) de Aoshima Chiho et surtout Kato Mika et ses fascinants tableaux. Des peintures d’après photos de poupées qu’elle a elle-même conçues et dont le regard n’a pas fini de vous hanter, bien que vous ayez à vous adosser à un écran diffusant en boucle un épisode de Digimon pour les admirer… Jérémie LEROI |
Kawaii! Vacances d’été Fondation Cartier – 261, bd Raspail 75014 PARIS Tlj (sauf lundi) de 12h à 20h – Métro Raspail Tarifs: 5€ – 3,5€ – Jusqu’au 27 octobre |