Etant donné l’utilité du vélo dans les villes japonaises, on aurait pu croire que ces mécaniques recevaient un traitement de faveur, ou du moins l’entretien nécessaire à leur activité plutôt soutenue. Mis à part les quelques fanatiques du Tour de France, qui passent souvent plus de temps à huiler leur monture qu’à se faire les mollets sur les routes de l’archipel, le vélo de ville ne risque pas qu’on se retourne sur son passage pour l’admirer. Ce sont parfois de véritables épaves qui déambulent devant vos yeux, et certains parking improvisés aux alentours des gares s’apparentent à de gigantesques cimetières pour vélos. Mais bon, ne jouons pas les esthètes à tout prix et faisons comme tout le monde ici, fermons les yeux. Et bouchons-nous les oreilles aussi! Car s’ils n’embellissent pas le paysage urbain, les deux-roues mal entretenus sont également une source de nuisance sonore non négligeable. Ils arpentent les trottoirs en se maintenant dans le flot de piétons par d’interminables coups de freins stridents: kiiii ! Je ne peux pas m’empêcher de penser que certains le font exprès pour remplacer leur avertisseur hors service. Mais ce qui me surprend davantage, c’est l’indifférence d’une majorité de Japonais face à ce type d’agression, leur capacité à ignorer ou simplement relativiser ce qui constitue au quotidien une source de stress évidente. Faire ainsi abstraction de tout ce qui dépasse du cadre leur permet d’accepter les transgressions visuelles et sonores les plus folles, comme pour conjurer le manque d’espace, et ce n’est pas un vélo mal huilé qui y changera quelque chose.