Le Festival des Trois Continents à Nantes, qui se déroule du 21 au 28 novembre, consacre une rétrospective à l’œuvre de fiction, cinéma et télévision (sauf les documentaires), d’Oshima Nagisa. Aujourd’hui âgé de 75 ans, et malade (il est quasi-paralysé depuis l’attaque cérébrale qui l’a terrassé en fevrier 1996), Oshima fait l’objet d’une “redécouverte” en France, avec la sortie récente, en salles et en DVD de certains films de sa toute première période de la Shôchiku, sous le titre La Trilogie de la jeunesse (Une ville d’amour et d’espoir, Contes cruels de la jeunesse, L’Enterrement du soleil, ainsi que Les Plaisirs de la chair). Mais d’autres films de sa période indépendante et révoltée n’ont pas été vus depuis très longtemps en France, et Nantes sera l’occasion de retrouver l’Oshima de toutes les expérimetations politiques et esthétiques, que ce soit en plans très longs comme dans Le Piège (Shiiku, 1961) d’après le roman de Oe Kenzaburô ou dans Shiro Amakusa, le révolté (Amakusa Shiro Tokisada, 1962), son seul film pour la Tôei, sur la révolte des Chrétiens contre le Shogounat au XVIIIème siècle, et qui fut un cuisant échec commercial), ou que ce soit, au contraire, dans un film morcelé en 2000 plans minimum, comme l’extraordinaire L’Obsédé en plein jour (Hakuchû no tôrima, 1967).
Le “courant de conscience”, qui parcourt tous les films d’Oshima jusqu’au fameux L’Empire des Sens (Ai no korida, 1975), culmine dans les œuvres les plus fortes et dérangeantes de “l’Auteur par excellence”, revendiquant son MOI. Ses anti-héros sont alors le plus souvent des marginaux persécutés par la société, jusqu’à leur mort programmée comme dans La Pendaison (Kôshikei, 1968), où le jeune Coréen condamné à mort ressuscite…), ou manipulés d’une façon ou d’une autre comme dans Le Retour des trois saoulards (Kaettekita yopparai, 1968) dans lequel Oshima mélange à plaisir les bobines narratives. On peut aussi citer Le Petit Garçon (Shônen, 1969) qui est l’un de ses plus beaux films. Le chef d’œuvre de ces années de liberté et de prise de consience reste sans doute La Cérémonie (Gishiki, 1971) qui fit grande impression cette année-là à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes. Son film le plus célèbre et scandaleux, L’Empire des sens a marqué un tournant dans son œuvre. C’est aussi le film qui a ouvert une période moins créative pour Oshima avec de grandes productions internationales comme Furyo (Merry Xmas Mr Lawrence, 1983) avec David Bowie, l’étrange recréation française de Max mon amour (1986) et son dernier film Tabou (Gohatto, 2000), un peu trop lisse, où l’on ne retrouve evidemment plus l’energie ni le sens de la rebellion convulsive qui avaient marqué ses grands films. Terrassé par la maladie, Oshima, qui demeure le plus formidable cinéaste de la défunte Nouvelle Vague nippone (avec Imamura et Yoshida), n’a rien pu tourner depuis. Pour se replonger dans un Japon insolent et révolté, qui n’existe plus aujourd’hui, il faut donc aller à Nantes pour suivre Oshima dans son itinéraire chaotique et envoûtant. Max Tessier |
Pour en savoir plus : www.3continents.com |
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