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Entretien : TAKASE JUNICHI, POLITOLOGUE ET PROFESSEUR A L’UNIVERSITE DE NAGOYA |
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Takase Junichi est l’un des meilleurs spécialistes de la politique. Il écrit pour de très nombreuses publications ainsi que sur son site Meigen : <www7a.biglobe.ne.jp/ ~meigen/index.html > |
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Comment analysez-vous la démission surprise d’Abe Shinzô ? T. J. : Je pense que le moment choisi pour annoncer sa démission est l’expression d’un “cri du cœur” qui avait pour but de protéger une raison d’être de plus en plus affaiblie. Pour le Premier ministre Abe, l’année écoulée a été particulièrement difficile au cours de laquelle il a dû revenir sur sa propre raison d’être. Outre des erreurs de jugement, son gouvernement a été ridiculisé par ses ministres et il a dû supporter les conséquences des erreurs passées concernant la gestion des retraites. Voilà pourquoi sa cote de popularité a dégringolé de façon inédite et que le Parti libéral démocrate a subi un grave revers électoral lors de sénatoriales de juillet puisqu’il incarnait “la tête d’affiche lors de l’élection”. Dès lors, la fierté du Premier ministre Abe en a pris un sérieux coup et il en a ressenti les effets sur le plan physique. Je crois qu’il faut chercher l’origine de l’échec de M. Abe dans le fait qu’il n’a pas compris le peuple en s’arc-boutant sur ses idées. Je pense qu’il y a eu un problème de communication politique que sa jeunesse relative n’a pas arrangé. L’écrivain Sakaiya Taichi a fait un parallèle avec l’histoire de France pour évoquer la situation politique au Japon. Il a parlé de “versaillisation” pour souligner l’isolement du pouvoir. T. J. : A vrai dire, je ne saisis pas bien ce que M. Sakaiya Taichi a voulu dire en parlant d’une “Versaillisation” de la politique. Si l’on entend par là une dégradation de la vie politique, alors je crois que cela pouvait s’appliquer aux gouvernements de MM. Mori et Obuchi. Je ne crois pas en revanche que l’on puisse associer le gouvernement Koizumi qui a mis en pièces la culture politique passée et le gouvernement Abe qui brandissait le projet de bâtir “un noble pays” (utsukushii kuni) à la notion d’ancien régime. Si l’on compare à la politique qui consistait à se partager les dividendes intérieures, je crois que celle des dernières années est plutôt bien. On parle d’un retour en force des factions. Qu’en pensez-vous ? T. J. : Les factions sont le produit d’un système électoral aujourd’hui dépassé. Les factions d’aujourd’hui n’ont plus la même influence que par le passé. Cette fois, M. Fukuda a rencontré les personnalités clés de chacun des clans car cela lui assurait de recueillir un plus grand soutien. Dans le même temps, il a lancé des appels en participant à des réunions tranversales pour obtenir le soutien le plus large possible. Le fait d’avoir l’impression d’assister à un retour des clans est sans doute lié aux reportages que les journalistes leur ont consacrés. Je pense que l’époque des factions est bel et bien révolue. Selon vous, quelles sont les priorités de la nouvelle équipe gouvernementale formée autour de M. Fukuda ? T. J. : Je pense que le gouvernement Koizumi n’avait pas pour seul objectif une réforme structurelle de l’économie. Car pour lui, ne pas s’en prendre au mode de fonctionnement politique hérité de l’ancien Premier ministre Tanaka Kakuei revenait à affaiblir le pays. C’est pourquoi il a voulu entreprendre la réforme de la Poste et des concessions autoroutières qu’avaient bâti Tanaka. En d’autres termes, la réforme voulue par Koizumi n’était pas d’ordre économique, il s’agissait d’une “révolution culturelle”. Il avait vraiment l’intention de porter un coup à ce mode de fonctionnement politique. La victoire du Parti démocrate lors des sénatoriales de juillet s’explique par le fait que M. Ozawa Ichirô, fils spirituel de Tanaka, a fondé son programme sur le clientélisme. Abe et son projet de bâtir un “noble pays” se fondaient sur un retour à l’époque de son grand-père Kishi (époque antérieure au clientélisme défendu par Tanaka). Mais cela n’avait rien de très nouveau. Il est donc indispensable de construire une politique fondée sur de nouvelles valeurs qui n’auront aucun rapport avec la politique des années 1945-1960 ni celle des années 1960-2001. Propos recueillis par Claude Leblanc |
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