Bonne nouvelle : le “jidai-geki”, le vrai, l’authentique film d’époque, est de retour, et grâce à un cinéaste qui ne s’était pourtant jamais exercé au genre. Yamada Yôji, auteur de “seulement” 77 films divers, dont pratiquement tous les épisodes (48) de la mythique série Otoko wa tsuraiyo (C’est dur d’être un homme) s’est donc attaqué à ce genre avec La servante et le samourai qui sort sur les écrans le 9 novembre. Le film dont le titre français n’est pas exactement la traduction littérale de Kakushi Ken – Oni no tsume (Le sabre caché – La griffe du diable) est adapté d’une œuvre de l’écrivain Fujisawa Shûhei. C’est un film singulier, qui se rattache plutôt à des œuvres comme Harakiri (Seppuku) de Kobayashi Masaki, ou Adauchi (Vengeance) de Imai Tadashi, qu’à des films récents comme le Zatôichi fantaisiste de Kitano Takeshi. De facture classique et solide, et d’une précision clinique dans le scénario et la mise en scène, le film de Yamada inscrit son récit dans une période charnière de l’histoire du Japon : 1867. C’est l’époque à laquelle le pays du Soleil-levant s’ouvre avec une certaine réticence à la vague puissante de l’Occident alors triomphant. Pourtant, l’essentiel du récit s’articule autour des relations difficiles entre les trois principaux personnages de cette histoire assez fascinante : Katagiri Munezô (Nagase Masatoshi), samourai de basse caste, la jeune servante Kie (Matsu Takako), et l’ancien compagnon d’armes de Munezô, Hazama Yaichirô (Ozawa Yukiyoshi), que l’on sacrifie sur l’autel du pouvoir. Yamada sait parfaitement cerner les contours et l’intérieur du drame jusqu’au sursaut final de Munezô, contre une félonie qui le heurte personnellement et moralement : la fin, magistralement ordonnée, est d’une force peu commune. En fait, La servante et le samourai est le second volet d’une trilogie historique ouverte avec le déjà fameux Twilight samourai (Tasogare Seibei), tourné par Yamada en 2002 dans le même registre, avec une vision sociale encore plus aiguë. En principe, le film devrait sortir début 2006 en France, alors qu’on pouvait espérer le voir avant La servante et le samourai. Parmi les autres sorties proches, on peut éviter le très superficiel et confus Casshern de Kiriya Kazuaki (auteur de pubs et de clips), SF branchée et infantile symptomatique d’une certaine génération de cinéastes japonais : tout le contraire des films de Yamada ! Enfin, signalons aux fans d’animation nippone que le très réjouissant Pompoko, de Takahata Isao, qui devait sortir en octobre, est reporté au 18 janvier 2006, pour raisons techniques. Nous y reviendrons ! Sore ja, mata, Max Tessier |
La Servante et le samourai de Yamada Yôji |
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DVD : Plein les yeux
Dire que nous les attendions avec une certaine impatience peut sembler exagérer, mais pourtant les deux coffrets que MK2 Editions (29,99€ chaque) met en vente le 26 octobre prochain vont ravir plus d’un amateur de cinéma japonais. C’est en effet deux cinéastes majeurs – Kurosawa Akira et Imamura Shôhei — qui sont ainsi mis à l’honneur avec, pour chacun, deux films. Tirés du catalogue des Films de ma vie, Scandale (Shunbun, 1950) et L’idiot (Hakuchi, 1951) de Kurosawa ne figurent pas parmi les grands films du maître. Ils méritent néanmoins, en particulier Scandale, d’être vus ou revus car ils montrent à quel point le réalisateur savait aborder des sujets modernes comme le rôle de la presse à sensation qui, 55 ans plus tard, conservent toute leur actualité. Le coffret Imamura est a priori plus appétissant avec Eijanaïka (1981) et La Vengeance est à moi (Fukushû suruwa ware ni ari, 1979), deux longs métrages de première importance dans la carrière du cinéaste. Car ils confirment qu’Imamura a toujours refusé le “cinéma-tographiquement correct” avec des œuvres bouillonnantes et pleine de vie. Claude Leblanc |