Sociologue spécialiste de l’éducation au Japon, fondateur du bureau du CNRS à Tokyo,pilier du Réseau Asie qui fédère les universitaires francophones spécialistes de cette région du monde, Jean-François Sabouret vient de publier avec ses collègues un ouvrage collectif intitulé La Dynamique du Japon (1). Celui-ci permet de faire le point sur l’évolution de l’Archipel et rappelle les grands enjeux alors qu’après avoir conduit en tête la course au développement en Asie, le Japon doit maintenant compter avec la Chine et la Corée du Sud.
Les médias français semblent depuis quelques années surtout tournés vers la Chine, le Japon apparaissant en retrait. Est-ce la conséquence de la crise d’identité que connaît ce pays depuis l’éclatement de la bulle financière ? Oui sans doute, mais la raison est à chercher aussi dans la difficulté des analyses françaises à prendre en compte la complexité, dès lors qu’elle s’éloigne des rivages culturels de l’Occident. En quoi l’Archipel reste-t-il encore un modèle de modernité ? Le Japon s’est tourné pour des raisons intérieures et extérieures vers la modernité occidentale il y a plus de 150 ans. Intérieures parce que des forces remettaient en cause la légitimité du pouvoir shogunal et extérieures par les pressions des puissances occidentales qui l’obligeaient à s’ouvrir sous peine d’expéditions militaires destructrices. La volonté obsessionnelle de rattraper et de dépasser l’Occident dans le plus grand nombre possible de domaines n’a pas été vaine. Depuis plus de 20 ans, malgré les crises économiques qui affectent le Japon comme les autres pays, ce petit archipel est devenu la seconde économie du monde dont le PNB représente environ la moitié de celui de son puissant mentor et client : les Etats-Unis. Ce succès économique persistant s’explique certes par le dynamisme des entreprises mais aussi par l’excellence du peuple japonais, toujours tendu vers son propre dépassement. On sait que les pays d’Asie – quels que soient les critiques qu’ils expriment à l’encontre du Japon, en souvenir des souffrances reçues et remontant à la seconde guerre mondiale – ont pour modèle ce même Japon parce qu’ils savent que l’on peut être asiatique et moderne à la fois. Apparente contradiction. Emprunter le chemin de la modernité en gardant des pans entiers de sa culture, donc de son identité est une synthèse possible. Mieux même : les Japonais cherchent à apporter la preuve qu’une modernité plus percutante, plus performante, en tout cas différente est à l’œuvre, tant au Japon qu’en Asie. Le Japon peut-il rester “dynamique” alors qu’un quart de sa population aura plus de 65 ans en 2015 ? La Chine redevient une grande puissance en Asie mais cela signifie t-il pour autant la « relégation » nipponne au rang de puissance secondaire et auxiliaire de la Chine ? Connaître le passé pour mieux préparer l’avenir semble être le leitmotiv de cet ouvrage, comment donc envisager l’avenir du Japon au XXIème siècle ? |
(1) Ed. Saint-Simon, Paris, 2005, 25€. |