Il arrive souvent qu’on me demande quelles sont les “tendances” du cinéma japonais actuel. Question pertinente et naïve à la fois, à laquelle l’éclectisme de la production japonaise conduit à répondre globalement : “Aucune”. Un simple survol des films sélectionnés cette année au festival de Cannes vient appuyer cette réponse négative et circonstanciée. Comme partout, le cinéma japonais actuel est devenu un ensemble hétérogène d’individualités œuvrant chacun pour soi, mais pas forcément contre les autres ! Quoi de commun en effet entre Bashing, de Kobayashi Masahiro, film “politique” relativement efficace sur le harcèlement social réservé à une otage rescapée de l’Irak, et Umoregi (La Forêt oubliée), dernier film d’Oguri Kôhei en forme de parabole esthétisante sur le passé enfoui du Japon profond ? Ou entre Eli Eli Lema Sabachthami ? (Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as Tu abandonné ?), autre parabole, expérimentale et visionnaire, mais un peu creuse, d’Aoyama Shinji, et Operettâ Tanukigoten (Princess Raccoon), dernière fantaisie surréalisante et volontairement kitsch, du jeune vétéran (82 ans) Suzuki Seijun ? Ou encore entre Kamiu nante shiranai (Who’s Camus, anyway ? ou Camus, connais pas !), le nouveau film cinéphile en diable de Yanagimachi Mitsuo, après dix ans d’absence au cinéma, et Unmeijanai hito (A stranger of mine), premier film en trois épisodes du jeune Uchida Kenji ? Rien, sinon qu’ils sont tous made in japan, et qu’ils suivent le fil d’une inspiration personnelle, qui doit peu à une certaine “tradition japonaise”, que l’on serait d’ailleurs en mal de définir aujourd’hui… Chaque film renvoie à des référents étrangers, et occupe une case à part dans un patchwork culturel représentatif de la culture éclatée du Japon contemporain, qui ne sait plus très bien s’il est d’Extrême-Orient, ou d’Extrême-Occident, ou ni l’un, ni l’autre : l’Identité n’est plus ce qu’elle était… Si l’on veut se replonger dans un cinéma plus “authentiquement japonais”, il faudra donc revenir à un passé plus ou moins récent, au fil des reprises, ou des films encore inédits sur nos écrans. Les Ozuphiles pourront donc découvrir un film rare du maître du tatami, Chichi ariki (Il était un père), réalisé en 1942, avec l’incontournable Ryû Chishu , et Sano Shûji, ou “réviser leurs classsiques” avec la rétrospective Ozu en 14 films, dès le 20 juillet, laquelle reprend une grande partie du catalogue de feu Alive. Quant aux fidèles de Masumura Yasuzô, ils pourront encore savourer son esthétique de la cruauté avec Môjû (La bête aveugle, 1969), et Manji (Passion, 1964), deux inédits en salles, dès le 3 août, après l’inoubliable Femme de Seisaku, et le séduisant Tatouages. Enfin, parmi les nouveautés, signalons le nouveau film de Shimizu Takeshi, Marebito, curieuse descente dans les bas fonds de notre subconscient, et Blood and Bones (Chi to hone), le dernier film de Sai Yôichi, avec Kitano Takeshi en patriarche brutal, qui est à voir par curiosité… Sore ja, mata, Max Tessier |
Yanagimachi Mitsuo lors du tournage de Who’s Camus anyway Sorties 29 juin Il était un père (Chichi ariki), de Ozu Yasujirô, 1942. Carlotta Films. 20 juillet Blood and Bones (Chi to hone), de Sai Yôichi. ARP. Rétrospective Ozu en 14 films. Carlotta Films. 3 août La Bête aveugle (Môjû) et Passion (Manji) de Masumura Yasuzô. Zootrope Films. Marebito, de Shimizu Takeshi. Celluloid Dreams Dist. |
|
|