A peine terminé Cannes (où le Japon n’a pas fait grande impression cette année, à l’exception du film de Yoshida Kiju, Kagami no onnatachi / Femmes en miroir, qui a séduit au moins la critique par son raffinement formel et l’extrême rigueur de son écriture filmique, mais qui peinera sans doute à trouver son public…), l’actualité du cinéma japonais reprend le devant de l’écran.
Le flux continu de la mode de l’Animé nous apporte aujourd’hui, après le triomphe du Voyage de Chihiro (plus d’un million d’entrées à ce jour) le dernier film de Rintaro, Metropolis (sorti le 5 juin / Columbia), adapté du célèbre manga de Tezuka Osamu par Ôtomo Katsuhiro, sorte d’hommage baroque au classique de Fritz Lang: décors futuristo-kitsch, révolte des robots, fille-poupée créée de toutes pièces dans un laboratoire secret, le tout en mélangeant habilement l’animation traditionnelle et les nouvelles techniques numériques. Bref, un vrai régal pour les très nombreux amateurs du “manganimé”.
Le 3 juillet sort enfin le nouveau film de Hashiguchi Ryosuke, HUSH (“Chut”), présenté avec succès à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes l’an dernier, distribué par Euripide dans un circuit UGC. Film branché sur la nouvelle cellule familiale japonaise, où cohabitent un homosexuel, son amant, une fille amoureuse de ce dernier (comment dit-on PACS en japonais?) HUSH est une assez brillante comédie de moeurs, plus accessible à un “large” public que Petites fièvres des vingt ans ou Grains de sable, du même Hashiguchi. Mais le film pèche encore une fois par sa longueur (2h15, sans véritable justification), un défaut récurrent des jeunes cinéastes japonais (tendance Iwai Shunji) sans vrais producteurs, et qui n’en font qu’à leur tête, pas toujours très bonne.
Dans un tout autre genre, la cellule cinéma du Musée du Jeu de Paume organise une rétrospective, déjà, de l’œuvre brève et hyper-personnelle de Kawase Naomi, qui avait obtenu la Caméra d’Or à Cannes en 1997 pour Moe no suzaku. Du 18 juin au 21 juillet, le Jeu de Paume présente ses courts-métrages, ses documentaires (Somaudo monogatari, Manga-Kyo, entre autres), et ses longs-métrages, dont Suzaku, de loin son meilleur, parfois très longs (Hotaru, 2h45, très inégal), y compris son dernier film, La danse des souvenirs (Tsuioku no dansu), méditation sur la mort du photographe Nishii Kazuo. Kawase N., cinéaste fragile et inquiète, est toujours à la recherche de l’identité des Japonais, et surtout de sa propre identité, dans une œuvre qui relève souvent de l’auto-psychanalyse(1).
Last but not least, signalons la très belle rétrospective consacrée (du 25 juin au 11 juillet) au cinéaste UCHIDA Tomu (1898-1970) par la Maison de la Culture du Japon à Paris, toujours très active. Ce sera l’occasion de découvrir ou revoir onze films de ce cinéaste extrêmement important de l’histoire du cinéma japonais, qui fit ses débuts dans le Muet, et termina sa carrière comme l’un des meilleurs spécialistes du Jidai-geki (Le passage du grand Bouddha / Daibosatsu Toge, Meurtre à Yoshiwara, ou Miyamoto Musashi en cinq parties, hélas indisponible, etc), tout en réalisant un grand policier social des années 1960, Le détroit de la faim (Kiga Kaikyo, 1964). Si vous n’étiez pas à la rétrospective de La Rochelle (1997), ne manquez pas cette occasion rare de découvrir une partie de l’œuvre d’un cinéaste trop négligé.
A signaler également un mini-panorama des “Trésors du Cinéma Muet japonais”, en une dizaine de films (connus ou très rares) au festival de La Rochelle, du 28 juin au 8 juillet, sur lequel nous reviendrons.
Enfin, pour mettre l’eau à la bouche des nippocinéphiles, rappelons la sortie chez Alive de la version intégrale de Kagemusha (“Director’s cut” de Kurosawa Akira, celle présentée à Cannes en 1980, qui obtint la Palme d’Or) au Max Linder le 24 juillet, déjà projetée à Deauville et à Cannes, et, en novembre (sous réserves) un hommage au génial SUZUKI Seijun en neuf films, deux événements sur lesquels nous reviendrons également, sans faute.
Sore ja mata,
Max Tessier
(1) Signalons un ouvrage paru tout récemment en Italie (le seul consacré à la cinéaste), par Maria Roberta Novielli: Kawase Naomi, i film, il cinema (Effata editrice, 2002, en italien).
Hush de Hashiguchi Ryosuke
SORTIES:
METROPOLIS, dessin animé de Rintaro (1h47). Le 5 juin.
HUSH , film de Hashiguchi Ryosuke, (2001, 2h15), avec Tanabe Seiichi, Takahashi Kazuya, Kataoka Reiko.
Le 3 juillet.
RETROSPECTIVE KAWASE Naomi, au Musée du Jeu de Paume (Tuileries), du 18 juin au 21 juillet. Rencontre avec l’auteur le 29 juin. Reprise prévue en septembre.
RETROSPECTIVE UCHIDA Tomu, du 25 juin au 11 Juillet, à La Maison de la Culture du Japon à Paris. 11 films en VOST. Renseignements: 01 44 37 95 00.
LES TRESORS DU MUET JAPONAIS, une dizaine de classiques et films rares, au festival de La Rochelle (28 juin au 8 juillet). Renseignements: 01 48 06 16 66.