Au cours de ces 30 dernières années, le Japon a poursuivi une seule et même voie dans sa politique nucléaire, à savoir la possibilité d’utiliser dans des surgénérateurs le plutonium tiré de l’uranium recyclé des réacteurs classiques. C’est cette orientation technologique que les autorités ont défendue au point de dissimuler plusieurs incidents liés au développement de cette technologie. Mais la multiplication de ces derniers a marqué le point de départ d’une vaste campagne d’opinion visant à réviser le programme nucléaire du pays. Une prise de conscience et une volonté de préserver l’environnement et de privilégier désormais le bien-être sur la seule rentabilité économique ont amené au cours de ces dernières années les Japonais à s’opposer à l’implantation de centrales nucléaires. Ainsi, en 1996, à Maki dans la préfecture de Niigata, les habitants avaient rejeté par référendum, l’installation d’un réacteur sur le territoire de leur commune, ouvrant la voie à d’autres manifestations de ce type comme à Tohama où la société Kyûshû Electricity a dû renoncer à ses plans de développement. Toutefois, la pression de l’opinion publique n’est pas suffisante pour remettre en cause des mauvaises habitudes prises depuis de nombreuses années. «Avec la guerre froide, on a pris l’habitude de dissimuler les informations concernant les questions nucléaires. Aujourd’hui, il est indispensable que les acteurs – producteurs d’électricité, industriels du secteur et bureaucrates – acceptent de changer leurs vieilles habitudes. Malheureusement, rien ne laisse penser qu’ils soient prêts à le faire à l’heure actuelle», notait le Nihon Keizai Shimbun. Le gouvernement doit donc assurer une plus grande transparence, ce qui est sans doute le plus difficile à réaliser. La promesse de réforme administrative, si elle est menée à son terme, devrait permettre aux Japonais d’avoir leur mot à dire sur cette question d’autant plus qu’elle intéresse également les pays riverains. On se souvient que la mise en service du surgénérateur de Monju, en avril 1994, avait suscité de nombreuses réactions en Asie où l’on craignait que le pays du Soleil levant n’utilise le plutonium à d’autres fins que civiles. En Corée du Sud, la presse n’avait pas hésité à titrer que «le Japon était désormais prêt à se doter de l’arme nucléaire». Sans doute excessive, cette prise de position n’en montre pas moins l’extrême complexité de la question nucléaire au Japon. Non seulement les Japonais ne semblent guère enthousiastes à l’idée de devoir faire confiance à une technologie encore imparfaite et pouvant avoir des conséquences catastrophiques, mais les autorités nippones doivent aussi tenir compte de l’avis de leurs voisins plutôt rétifs. Le Japon paie aujourd’hui son refus de jouer la transparence. La question de la politique nucléaire est une nouvelle illustration de la mainmise de la bureaucratie sur le pays. Pour y échapper, il est impératif que les réformes promises soient appliquées et aboutissent à un résultat visible. Si les autorités mettent en uvre une plus grande transparence en la matière, le Japon pourra réfléchir avec sérénité à l’avenir de sa politique énergétique et plus particulièrement à son volet nucléaire. Claude Leblanc http://www.sortirdunucleaire.org/japon/spejap.html http://www0.jca.apc.org/cnic/english/misc/critical.html |