CRI DE DETRESSE
Après une gigantesque traque qui a duré plus d’un mois, l’annonce que l’assassin présumé de l’enfant décapité le 24 mai dernier (voir OVNI n°398) est âgé de 14 ans a provoqué stupeur et effroi à Kobe comme dans tout le Japon. Arrêté le 28 juin, le jeune déséquilibré a confessé son crime, ainsi que l’agression de deux fillettes, dont l’une est morte de ses blessures. Comme l’écrit Philippe Pons dans Le Monde : “La révolte jusqu’à la démence de cet enfant sonne comme un terrifiant cri de détresse”. Cette révolte met en lumière le malaise que ressentent de nombreux jeunes Japonais face à un système éducatif qui est synonyme d’uniforme, de discipline, de conformisme et de pressions perpétuelles. Elle témoigne également de la démission de certains parents qui se déchargent de leurs responsabilités éducatives sur les professeurs. Brimades, consommation accrue de drogues, prostitution, absentéisme… sont autant de manifestations de protestation de la part de la jeunesse nippone désormais connues mais relativement ignorées. Espérons que le geste dramatique de ce jeune collégien poussera enfin la société japonaise à réfléchir en profondeur sur ce malaise.
Frédérique Amaoua, “Japon : Kobe sous le choc du lycéen tueur”, Libération, 30/06/97.
Caroline Jurgenson, “La ville dont le monstre était un enfant”, Le Figaro, 30/06/97.
Philippe Pons, “L’identité du “décapiteur” d’enfant de Kobe horrifie les Japonais”, Le Monde, 01/07/97.
Philippe Pons, “Les signaux de détresse de la jeunesse japonaise”, Le Monde, 04/07/97.
Frédérique Amaoua, “L’enfant tueur du Japon”, Le Point, 05/07/97.
LA CENSURE CENSURÉE
Le professeur IENAGA, qui avait intenté trois procès contre l’Etat pour dénoncer la censure de ses manuels scolaires retraçant l’histoire de la seconde guerre mondiale, vient, à 83 ans, d’être récompensé pour sa ténacité. La Cour suprême a en effet reconnu qu’il existe suffisamment de preuves des activités de la sinistre Unité 731, qui a pratiqué des expérimentations biologiques sur des prisonniers civils chinois, pour qu’il en soit fait mention dans un manuel scolaire. Après trois décennies de batailles judiciaires, le professeur pouvait déjà se féliciter d’avoir fait accepter le terme d’“agression” pour décrire la conquête de l’Asie par l’armée impériale, et d’avoir pu faire publier le récit du massacre de Nankin. La Cour suprême n’a par contre toujours pas reconnu l’illégalité de la censure gouvernementale. Mais sa demi-victoire revêt une importance particulière, alors qu’une nouvelle génération de révisionnistes (notamment chez les enseignants et les historiens alors que jusqu’à présent le révisionnisme était plutôt l’apanage des politiciens et des intellectuels) se fait entendre de plus en plus bruyamment. Pour eux le Japon s’est comporté comme n’importe quel pays en guerre et la vision de l’histoire que le professeur IEANAGA, et d’autres, tentent d’imposer est une vision masochiste. Si les jeunes savaient, arguent-ils, ils perdraient le respect qu’ils doivent à leur pays. Il n’est pas interdit de penser le contraire.
Caroline Jurgenson, “Le Japon confronté à son passé”, Le Figaro, 22/08/97.
Frédérique Amaoua (avec Ken Hongo), “L’Etat japonais condamné à la vérité historique”, Libération, 30-31/08/97.
Philippe Pons, “La Cour suprême du Japon ouvre une brèche dans le “négationnisme” officiel”, Le Monde, 31/08/97.
UN ECRIVAIN PENDU
Quatre condamnés à mort ont été pendus début août, parmi lesquels NAGAYAMA Norio, incarcéré depuis 1969 (il avait alors 19 ans) pour l’assassinat de 4 personnes. Alors qu’il avait reçu une éducation très sommaire, NAGAYAMA est devenu en prison un écrivain célèbre et son roman “Le pont de bois” a obtenu un prix littéraire. Ayant attiré sur lui l’attention du public, son sort a longtemps alimenté le débat sur la peine de mort. Mais si, de 1989 à 1993, on avait pu croire que le Japon s’acheminait vers une abolition de la peine de mort (le ministre de la Justice de l’époque refusait de signer les ordres d’exécution), les exécutions ont bel et bien repris depuis (25 en 5 ans) et 99 personnes sont actuellement condamnées à mort au Japon, selon Amnesty International. Inquiétant…
Clotilde Leroy
Brice Pedroletti, “Polémique au Japon après l’exécution de l’écrivain Norio Nagayama”, Le Monde, 08/08/97.