Les années, qui ont suivi la montée sur le trône de l’empereur Meiji, furent cruciales pour le Japon. Il s’agissait de réussir la modernisation du pays et d’éviter que les puissances occidentales à l’origine de l’ouverture forcée de l’Archipel finissent par en contrôler le destin. Pour se faire, les Japonais ont dû faire preuve d’une grande ouverture d’esprit pour s’adapter à un nouveau mode de vie. La transition n’a pas toujours été aisée malgré la clairvoyance de nombreuses personnalités, parmi lesquelles Fukuzawa Yukichi qui fut l’un des personnages les plus importants de la période. Voilà pourquoi son nom apparaît dans les premières pages du roman de Miura Ayako, Au col du mont Shiokari (Shiokari tôge), qui décrit cette période cruciale de l’histoire du Japon au travers du destin d’un homme, Nagano Nobuo, né le 2 février 1879 à Tokyo. Descendant d’une famille de samouraï et élevé par une grand-mère qui souhaitait que son petit-fils ne renonce pas à son héritage culturel et à son identité, Nobuo a la chance d’avoir un père qui, lui, a compris le tournant emprunté par son pays. Il l’a tellement assimilé qu’il s’est marié avec une chrétienne, Kiku (le prénom japonais signifie chrysanthème, fleur symbole du Japon éternel). Après avoir mis au monde Nobuo, elle est obligée de quitter la maison familiale en raison de son engagement religieux. Elle ne reviendra qu’à la mort de la grand-mère. Son retour est un premier choc dans l’existence de Nobuo qui croyait que sa mère était morte à sa naissance. Il marque ainsi le début d’une longue quête identitaire chez cet enfant qui va grandir et devenir un adulte responsable, soucieux des autres et qui finira par adopter la même religion que sa mère. Tout au long du roman, Miura Ayako montre à quel point il n’est pas aisé pour l’homme de faire des choix de vie surtout lorsqu’il faut renoncer à son passé pour pouvoir avancer dans l’existence. Lorsque son roman est paru en 1968, le Japon était traversé par une crise sociale importante. Il devait faire des choix. On comprend donc pourquoi ce texte a séduit toute une génération et pourquoi quarante ans plus tard il reste l’un des romans les plus populaires du pays. Claude Leblanc |
Au col du Mont Shiokari, de Miura Ayako, traduit par Marie-Renée Noir, Ed. Philippe Picquier, 23euros. |
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