Monstres, démons & Cie
Doté d’une puissante musculature, d’une peau rouge, vertes, noire ou bleue, de cornes de taureau, d’une chevelure ébouriffée, de crocs acérés, d’un ou de plusieurs yeux, le oni n’a rien d’un ange. Au contraire, il symbolise le démon dans toute sa splendeur. Selon les croyances bouddhistes, le oni terrestre est responsable des maladies et des épidémies. Le oni de l’enfer, dont la couleur du corps est verte ou rouge, est toujours en quête des pêcheurs qu’il conduit sur son chariot vers l’enfer. Parmi les oni, certains sont invisibles. On détecte leur présence car ils sifflent ou ils chantent comme dans Les Contes de la
lune vague après la pluie de Mizoguchi lorsque le père de la princesse Wakasa chante avec sa fille pour manifester sa présence. Tout comme les
tengu, on ne naît pas oni. On le devient. Si leur taille laisse à penser que les oni sont des mâles, il existe aussi des oni femelles. On
raconte même que les femmes, en raison de leur nature qui les rendaient plus promptes à céder à la colère ou à la jalousie, avaient beaucoup de
chances de se transformer en oni que les hommes. Alors attention à ne pas mettre en colère une femme car elle pourrait bien chercher à se
venger, en détroussant, en tuant et en buvant le sang de ses victimes comme la légendaire Momiji qui sévissait, à l’automne 996, dans la
région de Nagano après avoir été abandonnée par son amant. C. L.
Les fantômes font leur cinéma
Selon les croyances shintoistes, les hommes possèdent un esprit et une âme. Lorsqu’une personne décède, son âme quitte le corps pour rejoindre les âmes de ses ancêtres si les rites funéraires ont bien été respectés. Les âmes des ancêtres sont bien considérées par les Japonais qui estiment qu’elles sont en mesure de protéger leur famille. Voilà pourquoi ils leur rendent hommage chaque été au moment de la fête des morts (obon). Cependant lorsqu’une personne meurt de façon brutale ou lorsque les rites funéraires n’ont pas été respectés, l’âme peut se transformer en yûrei. Au lieu de rejoindre les ancêtres, elle reste
parmi les vivants, cherchant à se venger ou à terminer le travail qu’elle n’avait pas achevé. La plupart du temps, les yûrei apparaissent
en blanc comme la princesse Wakasa dans le film Les Contes de la lune vague après la pluie de Mizoguchi Kenji. Au milieu du XVIIIème siècle,
les yûrei commencèrent à être représentées sans jambes, manière de les rendre encore plus effrayants. Ces personnages ont souvent été les
vedettes de nombreux films. Dans Tôkaidô Yotsuya kaidan (Le Fantôme de Yotsuya, 1959), Nakagawa Nobuo raconte l’histoire de cette paysanne
asssassinée par son mari jaloux et vient le hanter pour se venger de cette injustice. Dans le film, l’âme tourmentée est représentée par le
visage d’une femme défigurée et livide. Ce personnage influencera près de quarante ans plus tard Nakata Hideo dont le film Ring (1998)
rapporte la terreur que le fantôme d’une écolière en blouse blanche sème autour de lui.
C. L.
Tôkaidô Yotsuya Kaidan (1959) de Nakagawa Nobuo qui a influencé nombre de cinéastes contemporains.