Le distributeur Buena Vista, qui a acheté les droits des films du Studio Ghibli, distille peu à peu les œuvres de Miyazaki, mais aussi celles de son compère Takahata Isao. Avec un décalage certain nous parvient enfin l’un des plus passionnants films de l’auteur du Tombeau des lucioles, et de Mes voisins les Yamada, Pompoko (Heisei tanuki gassen pompoko), sorti au Japon en 1994 et qui sera présenté en France le 18 janvier. Il s’agit là d’un des films cultes du cinéaste, dont la japonité tous azimuts n’exclue pas de savourer la morale universelle. Conçu en pleine vogue écologique, sur une idée de Miyazaki, Pompoko s’inspire apparemment d’un fait réel, la construction forcenée de la nouvelle ville de Tama, dans les environs de Tokyo, en 1967. L’environnement naturel s’en trouve bouleversé, et les tanuki (traduits en français par les Blaireaux, faute de mieux), animaux japonais mythiques par excellence, voient soudain leur habitat naturel rétrécir de façon dramatique, devant le béton et les hommes.
Takahata et son équipe technique hors-pair (citons seulement le directeur graphique, Momose Yoshiyuki, et le créateur des personnages, Otsuka Shinji) mettent brillamment en scène leurs querelles, puis leur révolte, et surtout leur aptitude à “singer” les humains pour mieux les tromper et les effrayer. C’est ausi le prétexte à revisiter tout le bestiaire mythique nippon, et à invoquer les figures surnaturelles familières qui hantent l’imaginaire populaire japonais depuis des siècles. Le point culminant de ce film fantastique est sans doute le somptueux défilé de spectres destiné à impressionner les habitants de Tama, où seuls les vieux se souviennent de leur existence. Le film insiste sur les déguisements des tanuki sous une forme humaine et leur aptitude au transformisme instantané, tant et si bien que humains et tanuki ne font plus qu’une face à l’urbanisation excessive des banlieues et à leur déshumanisation, notion prémonitoire s’il en est…
Foisonnant d’idées graphiques, Pompoko est un film qui propose une vision imaginative et poétique des problèmes d’expansion urbaine que connaissent toutes les sociétés développées, avec plus ou moins de réussite, selon les pays. Les tanuki sont encore là pour nous rappeler que l’homme est loin d’être le roi de la création…
A signaler aussi la sortie discrète (25 janvier), mais justifiée du très beau film de Ichikawa Jun, Tony Takitani, avec Ogata Issey et Miyazawa Rie, d’après la nouvelle éponyme de Murakami Harumi que le distributeur et les éditions Belfond offrent aux spectateurs. Tout est dans l’élégance du rythme lent bien assumé, dans le fil narratif envoûtant, guidé par la voix douce du commentateur, le film traitant aussi d’une obsession très japonaise, celle d’une femme aimée de Tony pour les vêtements de marque, jusqu’à la folie. Un film précieux à ne pas manquer.
Autre sortie très discrète depuis le 11 janvier, mais également importante, celle de La Nouvelle légende du grand judo (Zoku Sugata Sanshirô, 1945) où il remplaça le célèbre combat final dans les hautes herbes ventées par un duel grandiose dans la neige, tout aussi impressionnant ! A signaler que les rôles des personnages occidentaux étaient tenus par des prisonniers de guerre américains. Une rareté absolue, à voir rapidement. A noter que la sortie en salle est couplée avec celle d’un coffret DVD (éd. Arte) contenant les mêmes films.
Sore ja, mata.
Max Tessier
Les tanukis passent à l’attaque © Buena Vista International.