Le Japon est en deuil. Fin 2003, la maladie de la vache folle se déclarait aux Etats-Unis et entraîna presque simultanément l’arrêt des importations de viande de bœuf américaine dans l’Archipel. La chaîne de restaurants Yoshinoya, qui se vantait jusqu’alors de servir un million de repas par jour, dut abandonner la com-mercialisation de son plat fétiche, son image de marque : le gyûdon. Il s’agit d’un de ces innombrables donburi, bol de riz garni de toutes sortes d’ingrédients (voir Ovni nº 546), qui remplissent bien la panse et ménagent le portefeuille. La garniture du gyûdon est composée d’émincés de bœuf et d’oignons, le tout arrosé d’une sauce (tare) dont Yoshinoya s’était justement fait une spécialité. Remplacer la viande bovine américaine par du bœuf australien ou même japonais ? Trop cher. Car ce qui faisait le succès du gyûdon de Yoshinoya, c’était aussi son prix défiant toute concurrence. Moins de 300 yens pour la formule de base (un peu plus de 2 euros). En attendant une réouverture des importations de viande de bœuf en provenance des Etats-Unis, les Japonais devront se passer d’un plaisir culinaire qui avait pris racine dans la vie de tous les jours. Avec près d’un millier de restaurants dans tout le pays (992 en 2003), la chaîne au logo orange et noir avait conquis les estomacs. Le roi du fast-food local avait également marqué les cœurs, et aujourd’hui les fans nostalgiques du gyûdon de Yoshinoya doivent en rêver la nuit, s’imaginant savourer quelques bols assortis de gingembre rouge et bavant sur leur oreiller : taraaah. Qui dort dîne…
Pierre Ferragut