Dans le déluge (difficilement contrôlable) des films japonais proposés en DVD par Wildside, il faut évidemment faire une place d’honneur à un mythe tenace du cinéma populaire de la fin de l’Age d’or: Zatôichi. L’une des plus durables séries de cette époque, soit 26 (ou 27) films de 1962 à 1989, Zatôichi remporta un énorme succès public qui repoussa la faillite annoncée de la compagnie Daiei, tout comme Tora-san maintint la Shôchiku à flot jusqu’à la mort de son acteur principal, Atsumi Kiyoshi. Ici, outre la popularité de l’œuvre littéraire originale de Shimozawa Kan, c’est surtout celle de l’acteur Katsu Shintarô qui attira une masse de fidèles spectateurs pendant plus de vingt ans, à un moment où le cinéma japonais était en plein déclin. A vrai dire, celui qu’on baptisa affectueusement “Katsushin” incarna si bien le personnage mythique du masseur sabreur aveugle, victorieux de tous les pièges imaginables, que personne d’autre n’osa reprendre le rôle, sauf évidemment Kitano, pour qui rien n’est tabou. Sur les 14 films prévus en DVD, cinq sont déjà disponibles: le tout premier, Zatôichi, le masseur aveugle (Zatôichi monogatari, 1962, NB), réalisé par le créateur de la série, le très remarquable Misumi Kenji, et quatre autres au hasard: Voyage meurtrier (Zatôichi kesshôtabi, 1964), Voyage en enfer (Zatôichi jigokutabi, 1965), Le Justicier (Zatôichi rôyaburi, 1967), le seul qui ne soit pas réalisé par Misumi, mais par Yamamoto Satsuo, et enfin, Route sanglante (Zatôichi chikemuri kaidô, 1967). On peut donc cerner à peu près le caractère étrange et inquiétant du personnage, qui succède à tant d’autres “guerriers handicapés” de la littérature et du cinéma japonais, comme le rappelle un intéressant bonus du premier épisode. Chaque épisode comprend évidemment le film, une présentation éclairée par l’incontournable Miike Takashi (1), des chapitres, une bande annonce, et les liens internet. En outre, un livret imprimé (signé Fabrice Arduini et Denis Brusseaux) rappelle les origines du genre, et analyse les traits marquants de ce “héros inclassable”. La série Zatôichi n’ayant jamais eu aucun succès pubic en France (seuls deux ou trois épisodes sont sortis, oubliés), c’est l’occasion idéale pour le cinéphile collectivore de se réapproprier l’un des mythes les plus attachants du monde des “guerriers handicapés”, en particulier de la vue (un paradoxe au cinéma), avec, hélas, près de 40 ans de retard. Soreja, mata, |
(1) A signaler aussi que Wildside sort aussi la trilogie culte des Dead or Alive (+bonus) de Miike Takashi, réservée aux amateurs inconditionnels de trash/gore. |
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DVD Plein les yeux Décidément les éditeurs nous gâtent en cette rentrée 2004. Non seulement Wildside nous permet de découvrir la série des Zatôichi, mais d’autres comme Opening nous offrent la possibilité de nous immerger dans le meilleur du cinéma nippon avec deux coffrets consacrés à l’œuvre de Mizoguchi Kenji. De La Vie d’Oharu, femme galante (Saikaku ichidai onna, 1952) qui demeure l’une de ses plus grandes réussites à L’Intendant Sanshô (Sanshô dayû, 1954), le spectateur retrouve neuf des joyaux de ce cinéaste souvent considéré comme l’un des plus grands de la planète. Cependant on regrettera la qualité moyenne des copies choisies. Du côté des bonus, on apprécie la contribution de quatre réalisateurs Claude Chabrol, Jean-Claude Brisseau, Pascal Bonitzer et surtout Jacques Doillon qui témoignent avec une grande sensibilité de leur approche de l’œuvre du maître japonais. A acheter d’urgence. C. L. Coffret Mizoguchi. Vol. 1 & Vol. 2, 49,99€ chaque. |