Depuis dix ans maintenant, l’économie japonaise navigue en eaux troubles. La crise qui a suivi l’éclatement de la bulle financière n’a pas fini d’apporter son lot quotidien de mauvaises nouvelles et d’indices toujours plus catastrophiques. En une décennie, les pouvoirs publics ont multiplié les plans de relance sans succès faute d’avoir réellement entamé les réformes structurelles indispensables à l’assainissement d’une situation économique et financière délicate. Longtemps promises par les différents responsables politiques en charge du pays, elles n’ont jamais vu le jour ou elles ont été dénaturées en fonction des intérêts de certains groupes de pression. Résultat, la Bourse de Tokyo enregistre des résultats inquiétants, les banques sont pour la plupart au bord de la faillite et le chômage continue de faire quotidiennement des victimes. En une dizaine d’années, le système financier, qui fut le symbole de la puissance nippone au cours des années 1980, a perdu de sa superbe et personne ne sait trop comment éviter le pire sinon redresser quelque peu leur position. Hayami Masaru, le gouverneur de la Banque du Japon, a émis récemment l’idée selon laquelle l’institution monétaire nationale pourrait acheter des parts détenues par les banques de l’Archipel afin de stabiliser le système financier. En se portant acquéreur de ces actions qui sont devenues pour les organismes bancaires des fardeaux, la Banque du Japon entend ainsi leur donner un peu d’oxygène et rassurer un marché en pleine déconfiture. Au début du mois de septembre, l’indice Nikkei est passé sous la barre des 9 000 points, son plus bas niveau depuis 19 ans. Cette annonce constitue une surprise dans la mesure où la Banque du Japon a toujours refusé d’intervenir auprès des banques, estimant que cela n’était pas de son ressort. Reste à connaître les conditions d’acquisition et le volume des actions que la banque centrale entend pratiquer. Les principales banques du pays détiennent actuellement quelque 200 milliards d’euros d’actions, un chiffre considérable qui suggère que l’intervention de la Banque du Japon devra être lourde pour qu’elle ait un quelconque effet. C’est pourquoi, certaines voix n’hésitent pas à évoquer une nationalisation des banques. Dans sa livraison du 27 septembre, l’hebdomadaire populaire Shûkan Asahi posait clairement la question à l’égard de la Banque Mizuho en première page. L’opération de sauvetage envisagée par Hayami Masaru coïncide avec la décision du gouvernement de procéder à un nouveau plan de relance. Celui-ci devrait se traduire par une réduction des impôts de 12 milliards d’euros. Prévu pour la fin du mois de novembre, le projet de réforme fiscale est conçu pour inciter les Japonais à reprendre le chemin des magasins et ainsi relancer une activité économique plutôt moribonde. Même si cet énième plan a permis de redonner momentanément un peu d’entrain à la Bourse de Tokyo, la plupart des observateurs estiment qu’il aura peu d’effet sur la reprise économique. Ils ne manquent pas d’ailleurs de souligner que la décision de la Banque du Japon d’intervenir directement auprès des banques privées traduit un échec de la politique conduite jusqu’à présent par les autorités. L’optimisme est donc loin de régner du côté de l’Archipel à un moment où le monde s’interroge sur les conséquences économiques d’une éventuelle intervention des Etats-Unis en Irak. Claude Leblanc |