Au Japon, le conformisme a la vie dure. Sans parler d’un nivellement de la société, on aurait tendance à penser qu’en restant à sa place, chacun se conforme à l’idée d’une harmonie consensuelle où le clou qui dépasse fait décidément mauvais effet. La montée d’une certaine forme d’individualisme chez les jeunes des nouvelles générations est d’ailleurs souvent ressentie par leurs aînés comme une marque d’égoïsme et de laisser-aller. Le sport n’échappe pas à la règle. Ça commence à l’école. Les rapports senpai-kôhai, s’ils marquent les différences d’âge, ont en revanche tendance à gommer les talents individuels au nom d’une sorte de mise à niveau du groupe. La fête du sport, de saison en ce moment dans les écoles de l’archipel, entretient cette impression: plutôt que de compétition, il s’agit d’une volonté de faire bonne figure au sein de son équipe et aux yeux des parents, spectateurs attentifs. L’ensemble évoque davantage la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques (en beaucoup plus modeste, bien sûr) que les longues journées de compétition qui s’en suivent. Issus de ce système, Nakata et Ichirô ont dû comprendre, après un parcours national irréprochable, que pour sortir du lot il leur fallait sortir du Japon. Chose faite: leur réussite à l’étranger a fait d’eux les deux sportifs les plus vénérés par les Japonais. Preuve d’une certaine manière que le complexe vis-à-vis de l’étranger existe bel et bien en sport. L’expression sekai no kabe (littéralement “mur du monde” auquel se heurtent les esprits plutôt que les corps) n’est pas encore tombée en désuétude. S’ils ne sont pas des pionniers, Nakata et Ichirô semblent avoir élargi d’un grand coup les portes d’un certain alignement du Japon sur la scène sportive internationale. Car enfin, les médias se montrent bien moins hystériques face au départ de jeunes footballeurs pour des clubs étrangers. Reste à savoir si le parcours de l’équipe nationale permettra d’entretenir cet élan au cours de la prochaine coupe du monde. Sinon, gare au choc: gotsun!