Beaucoup d’hommes japonais chauves ou proches de l’être sont très complexés. A moins d’être bonze et d’entretenir avec soin l’état dégarni de son crâne, perdre ses cheveux constitue généralement une véritable honte que certains essayent de dissimuler par tous les moyens. Chapeau? Casquette? Bonnet? Cagoule? Trop facile, et surtout plutôt ridicule pour un salary-man en costard. Les plus complexés optent pour la perruque ou les implants, faisant la fortune d’une ribambelle de sociétés spécialisées par ailleurs très présentes dans les pages de publicités télévisées lors de spots qui, sans chercher à décomplexer les chauves, nous font bien comprendre en revanche qu’il n’y a aucune honte à fréquenter leur établissement…
Quel rapport avec le dessin? Les cheveux justement, plein de cheveux. Car parmi les nouvelles recrues qui rejoignent les rangs de salary-man en costume chaque année au printemps, on peut distinguer une tendance aux adeptes de plus en plus nombreux. Vous appellerez ça comme vous voudrez: cheveux en pétard, coupe palmier ou coupe Son Goku. En français, les expressions ne manquent pas (ébouriffé, en bataille, en coup de vent) et sont résumées en japonais par ces quatre syllabes: bosa bosa (prononcez “bossa bossa”). Rien de vraiment révolutionnaire dans la forme, si ce n’est l’aisance avec laquelle ce style de coiffure est adopté par de jeunes cadres pour le moins décomplexés face à des supérieurs qui ne jurent encore que par la raie sur le côté. Pour les nouvelles générations, le rejet d’une conformité au travail semble passer par celui des styles. N’en déplaise aux chauves.
Pierre Ferragut