Avide d’aventures et de liberté, mais aussi « idéaliste » et poussé à servir son pays sous l’influence de la propagande de l’époque, KIMURA Hisao décide à l’âge de 17 ans d’entrer au service de la glorieuse « Armée Impériale » japonaise. Échouant à l’examen d’entrée, il se porte volontaire en 1939 pour partir en Chine sous les auspices du « Bureau de Développement de l’Asie » japonais. Immédiatement envoyé en Mongolie intérieure, à proximité de Pékin, il commence sa formation par l’étude de la langue mongole dans un monastère. Affecté ensuite dans une ferme dite « expérimentale » en Mongolie, sa tâche consiste à participer à l’amélioration de la production de viande et de laine destinées à l’effort de guerre japonais. Sa vie, simple et frugale, suit le même rythme que celle des indigènes, et alors qu’il s’efforce de survivre dans le monde de la steppe, environnement à peu près stérile, son idéalisme commence à flancher, sa loyauté étant écartelée entre le désir de servir son pays et celui de défendre la cause du peuple mongol, alors brutalisé par les militaires japonais. Un second pas est franchit en 1943 lorsque KIMURA Hisao est tacitement chargé d’une mission par les services de renseignement de son pays : pour faciliter l’offensive en Chine du nord, il doit aller attendre l’arrivée des forces mécanisées japonaises dans la lointaine province de l’ouest du Sikiang, et surtout trouver la route d’approvisionnement des troupes ennemies de Chang Kai-Chek via l’Union Soviétique. Fort de sa connaissance du mongol, il se met en route dans cette expédition risquée déguisé en moine itinérant. Mais des circonstances imprévues l’éloignent de son objectif initial et le mènent finalement à Lhassa, au Tibet, où il arrive à l’automne 1945, et où il apprend que le Japon a perdu la guerre… Ne pouvant regagner son pays ni révéler sa nationalité, il est, au cours des cinq années qui suivent, le témoin de l’après-seconde guerre mondiale au Tibet et en Inde du nord, époque particulièrement confuse dans cette région du monde. Rapatrié puis emprisonné au Japon par les forces d’occupation américaines en 1950, il deviendra par la suite professeur de mongol à l’Université Asiatique de Tôkyô. S’il a le mérite de nous introduire dans des régions rarement visitées, le récit de KIMURA Hisao nous présente aussi son évolution personnelle, sa découverte d’un monde radicalement différent du Japon, et sa remise en cause des idées nationalistes de son adolescence au contact de cet univers où il découvre la dure réalité du quotidien. Clément BONNIER |
Aventures d’un espion japonais au Tibet |