Présenté à la Mostra de Venise hors-compétition, Aniki, mon frère (ex-”Brother”), le Kitano nouveau, y reçut un accueil mitigé, loin de l’enthousiasme qui avait salué Hanabi (Lion d’Or à la même Mostra en 1997). Il est vrai qu’après la “récréation” de L’Eté de Kikujiro (Kikujiro no natsu), “Beat” Takeshi avait très clairement annoncé un retour aux yakuza et à la violence : on est servi ! L’arrivée de Yamamoto (Takeshi) à Los Angeles, pour fuir la bataille des clans à Tokyo, ne passe certes pas inaperçue.Yamamoto (vêtu d’un costume Yoji Yamamoto…) , toujours imperturbable et quasiment-muet, fidèle à son image bien travaillée de yakuza indéchiffrable, commence par blesser sérieusement Denny (Omar Epps), un “black” qu’il ne trouvait pas à son goût, mais qui fait partie de la bande de son demi-frère Ken (Claude Maki), devenu dealer. A partir de là , le destin du “grand frère” (Aniki) est scellé : il prend la tête du gang, s’aliène tous les gangs “ethniques” de L.A. (chicanos, latinos et rivaux nippons), et déclenche une guerre sans merci avec à peu près tout le monde, jusqu’au “suicide” final, bien dans la nature de Kitano. Hommage est rendu au passage à une figure emblématique du yakuza-eiga, le fameux Watari Tetsuya (star de la Nikkatsu des années soixante), dans le rôle du chef du Jinseikai.
Si la première partie du film est assez amusante, et joue avec l’image de Beat Takeshi face à Kitano le metteur en scène, et contient encore des scènes ludiques chères au cinéaste, comme la partie de Volley avec le très complexé Terajima Susumu (un des acteurs de la “famille” Kitano), ou la partie de carte, la seconde constitue un crescendo dans la violence assez insoutenable (on se souviendra longtemps du “coup de baguettes” dans le nez !). On se demande d’ailleurs si c’est du lard ou du cochon, tant la distance est faible entre l’action et le regard, comme toujours glacial et désabusé.
En fait, si Aniki laisse un goût amer dans la bouche, c’est non seulement à cause de sa violence “gratuite” (mais payante pour le spectateur !), mais parce qu’il répète à satiété des scènes déjà maintes fois vues dans les films précédents de Kitano, en particulier Violent Cop, Sonatine, ou Hanabi. Cela dit, la personnalité schizophrénique et la vocation suicidaire de l’auteur-acteur ne font plus aucun doute. C’est sans doute l’aspect le plus intéressant d’un film quelque peu décevant, qui nous fait espérer un retour de Kitano dans le bon vieux Japon “bien de chez lui” !Sore ja, mata
Max Tessier
Aniki, mon frère (Brother), de Kitano Takeshi (1h54)
Avec Beat Takeshi, Omar Epps, Claude Maki, Kato Masayo, Terajima Susumu, Osugi Ren, Ishibashi Ryo, James Shigeta, et Watari Tetsuya.
Sortie le 13 décembre