Après 13 ans d’absence consécutifs à un four monumental (Max Mon Amour), un projet avorté (L’évocation de la vie de Hayakawa Sesshu, le seul acteur japonais à avoir fait carrière à Hollywood), un accident cérébral grave, et des années d’interventions quasi-quotidiennes sur les plateaux de télévision en tant que commentateur, que filmer pour revenir en fanfare au cinéma?
Intelligent et manipulateur, Oshima Nagisa s’est certainement posé cette question avant d’entreprendre le tournage de Gohatto, désormais connu en France sous le titre Tabou. Jouissant, chez ceux qui ont bonne mémoire, de l’étiquette “enfant terrible du cinéma japonais” dans les années 60 et 70, dandy ne dédaignant pas la provocation, Oshima a donc choisi pour son retour au grand écran une histoire de jalousies homosexuelles dans le milieu des Shinsengumi, la police parallèle du Shogun chargée du strict maintien de l’ordre à Kyôto peu de temps avant la restauration de Meiji en 1867. Entouré d’une équipe talentueuse comme Sakamoto Ryuichi (Musique), Wada Emi (Costumes), de jeunes acteurs confirmés tels Asano Tadanobu (Le Labyrinthe des Rêves) ou Takeda Shinji (Tokyo Eyes) et d’invités aussi illustres que Kitano Takeshi, Sai Yoichi (réalisateur de talent d’origine coréenne) ou Matsuda Ryuhei (Le fils du regretté Matsuda Ryusaku, ex-idole des jeunes et mauvais garçons du cinéma nippon des années 70), Oshima a su rassembler les ingrédients nécessaires à son come-back. Sorti au Japon en décembre 99 avec le slogan: “Oshima Nagisa, l’homme qui a brisé tous les tabous”, Gohatto reçu un accueil mitigé.
Malgré ses déclarations d’intention et sa volonté affirmée de porter une nouvelle fois la controverse en révélant la face cachée de la vie des samourai, Oshima ne remplit guère ses promesses. Son film est esthétiquement beau, certes, mais les démélés sentimentaux des jeunes éphèbes au regard aussi tranchant que la lame de leur sabre laissent indifférent, par manque de suspens ou tout simplement par maladresse. Témoins des tourments sentimentaux de leurs jeunes recrus, les deux vétérans fondateurs des Shinsengumi, interprétés par Sai Yoichi et Kitano Takeshi, semblent porter un regard d’entomologiste sur une fourmillière, observant et commentant avec détachement l’évolution de leurs protégés. A moins que ce ne soit les trop longues années passées par Oshima à faire le même type de commentaires à la télévision dans des émissions pour ménagères de moins de 50 ans qui aient déteint sur son jugement artistique. Les tabous sont fatigués…
Etienne Barral
Après 13 ans d’absence consécutifs à un four monumental (Max Mon Amour), un projet avorté (L’évocation de la vie de Hayakawa Sesshu, le seul acteur japonais à avoir fait carrière à Hollywood), un accident cérébral grave, et des années d’interventions quasi-quotidiennes sur les plateaux de télévision en tant que commentateur, que filmer pour revenir en fanfare au cinéma?
Intelligent et manipulateur, Oshima Nagisa s’est certainement posé cette question avant d’entreprendre le tournage de Gohatto, désormais connu en France sous le titre Tabou. Jouissant, chez ceux qui ont bonne mémoire, de l’étiquette “enfant terrible du cinéma japonais” dans les années 60 et 70, dandy ne dédaignant pas la provocation, Oshima a donc choisi pour son retour au grand écran une histoire de jalousies homosexuelles dans le milieu des Shinsengumi, la police parallèle du Shogun chargée du strict maintien de l’ordre à Kyôto peu de temps avant la restauration de Meiji en 1867. Entouré d’une équipe talentueuse comme Sakamoto Ryuichi (Musique), Wada Emi (Costumes), de jeunes acteurs confirmés tels Asano Tadanobu (Le Labyrinthe des Rêves) ou Takeda Shinji (Tokyo Eyes) et d’invités aussi illustres que Kitano Takeshi, Sai Yoichi (réalisateur de talent d’origine coréenne) ou Matsuda Ryuhei (Le fils du regretté Matsuda Ryusaku, ex-idole des jeunes et mauvais garçons du cinéma nippon des années 70), Oshima a su rassembler les ingrédients nécessaires à son come-back. Sorti au Japon en décembre 99 avec le slogan: “Oshima Nagisa, l’homme qui a brisé tous les tabous”, Gohatto reçu un accueil mitigé.
Malgré ses déclarations d’intention et sa volonté affirmée de porter une nouvelle fois la controverse en révélant la face cachée de la vie des samourai, Oshima ne remplit guère ses promesses. Son film est esthétiquement beau, certes, mais les démélés sentimentaux des jeunes éphèbes au regard aussi tranchant que la lame de leur sabre laissent indifférent, par manque de suspens ou tout simplement par maladresse. Témoins des tourments sentimentaux de leurs jeunes recrus, les deux vétérans fondateurs des Shinsengumi, interprétés par Sai Yoichi et Kitano Takeshi, semblent porter un regard d’entomologiste sur une fourmillière, observant et commentant avec détachement l’évolution de leurs protégés. A moins que ce ne soit les trop longues années passées par Oshima à faire le même type de commentaires à la télévision dans des émissions pour ménagères de moins de 50 ans qui aient déteint sur son jugement artistique. Les tabous sont fatigués…
Etienne Barral
Gohatto (Tabou) de Oshima Nagisa
Rencontre avec le maître… OVNI: Gohatto n’est pas sans rappeler Merry Christmas Mister Lawrence (Furyo, 1982). Il s’agit une nouvelle fois des relations passionnelles d’un groupe d’hommes dont le destin est lié par la guerre. Eros sur fond de Thanatos… Oshima Nagisa: Effectivement, je retrouve un thème qui m’est cher, celui des pulsions engendrées par la vie d’un groupe d’hommes dans un univers clos. La police spéciale du bakufu, Shinsengumi, tirait sa force de sa discipline de fer. Les sabreurs d’élite qui la composaient devaient prouver leur loyauté au Shogun en respectant un règlement ne laissant aucune part à la faiblesse humaine. Cotoyant journellement la mort, chargés de faire respecter l’ordre à Kyôto, ces samourai venus d’horizons divers renforçaient leur sentiment d’appartenance à une élite à travers un sentiment latent d’homosexualité issu de leur vie en vase clos. C’est un sentiment que l’on retrouve d’ailleurs dans d’autres groupes constitués au Japon, que j’ai personnellement ressenti lorsque je dirigeais une équipe de tournage à la Shochiku dans les années 50, ou à la tête de ma propre société de production dans les années 60-70. L’homosexualité, c’est un amour narcissique, on recherche à travers l’autre son propre reflet. L’appartenance au groupe se trouve confirmée, sublimée, dans la relation homosexuelle, platonique ou non. Je considère pour ma part que les groupes composés d’hommes au Japon possèdent tous une dimension homosexuelle latente et que c’est cela même qui les structure. OVNI: D’où vous vient cette fascination pour cette époque de l’histoire du Japon? Oshima Nagisa: Lorsque j’étais enfant, j’ai souvent entendu parler d’un de mes ancêtres samourai au service de l’empereur. Il se trouve qu’il était en compagnie d’un des héros de la restauration de Meiji au moment même où les Shinsengumi ont attaqué les partisans impériaux dans l’auberge de Ikedaya. Pour l’enfant que j’étais, il s’agissait d’une histoire terriblement romantique. J’avais 13 ans en 1945, avec la défaite du Japon, les histoires de samourai glorifiant le bushido sont devenues taboues. Ce film est l’occasion pour moi de renouer avec le romantisme de mon enfance.