Ceux qui ont lu les romans publiés par Murakami Ryû savent que cet auteur n’a pas pour habitude de tourner autour du pot. Ses livres lui ont donné la possibilité de montrer la dureté de la société japonaise. Il revient aujourd’hui avec un ouvrage, une “fantaisie” pour reprendre ses termes (qui n’en est pas une), sur l’utilisation de l’argent public au pays du Soleil levant. Et il y a à écrire sur ce thème. Dans Ano kane de nani ga kaetaka (Ce que vous auriez pu acheter avec cet argent, Shogakkan, 1999), l’écrivain dénonce avec virulence les sommes astronomiques que les pouvoirs publics ont injecté pour relancer l’économie sans parler des créances douteuses accumulées par les banques japonaises dont elles ont bien du mal à se dépêtrer encore aujourd’hui. Peu de Japonais – et même peu de Français – sont en mesure d’imaginer ce que cet argent représente concrètement tant les zéros sont nombreux. L’objectif de Murakami est justement d’aider les lecteurs à appréhender l’énormité des sommes en jeu en prenant des exemples parlant. Accompagnés des illustrations de Hamano Yuka, les textes permettent notamment de comprendre qu’avec les 3 508 milliards de yens de dettes de feu la maison de courtage Yamaichi, on aurait pu aider l’agriculture nord-coréenne, financer la mise en place d’un réseau en fibre optique ou encore soutenir la création d’un réseau international de gestion des ressources naturelles. Une belle leçon d’humilité mais dont on peut se demander si elle sera entendue.
Odaira Namihei