Depuis le milieu des années 90, le marché de l’informatique dans l’Archipel est en pleine croissance. Même si les ventes ont enregistré un certain tassement au début de l’année 1997, en raison notamment de l’augmentation de la taxe à la consommation, les spécialistes estiment que 1998 devrait connaître une nouvelle embellie grâce à l’arrivée du nouveau système d’exploitation de Microsoft “Windows 98”. La relative bonne santé du marché s’explique d’abord par les besoins des entreprises et des administrations, qui jusqu’à présent disposaient d’un très petit nombre d’ordinateurs. Comme l’expliquait un des conservateurs du musée de Yokohama, “La plupart des départements du musée fonctionnent encore avec des machines à traitement de texte très rudimentaires alors que nous nous proposons d’être un musée moderne. L’introduction des ordinateurs se fait très progressivement, mais c’est difficile”. Et pourtant, les ordinateurs dont dispose aujourd’hui le musée représentent un atout non négligeable pour ses membres. “L’ensemble des collections du musée est désormais répertorié dans des bases de données informatiques que l’on peut consulter facilement et rapidement. Lorsqu’on prépare une exposition, c’est beaucoup plus facile et souple de travailler avec les ordinateurs. On est plus productif”. Les grandes firmes, dans un premier temps, suivies par les petites et moyennes entreprises ont, elles aussi, été sensibles à l’argument. Soucieuses d’améliorer la productivité de leurs cols blancs trop nombreux et trop chers à gérer dans un pays en crise, elles ont pris le train de l’informatisation, contribuant à dynamiser le marché informatique nippon. Pas moins de 1 900 fournisseurs d’accès proposent actuellement leurs services et déjà plus de 5,3 millions de personnes utilisent régulièrement le réseau mondial. En l’an 2000, il devrait y en avoir 32 millions. Comme dans les autres pays industrialisés, la concurrence entre fournisseurs donne lieu à de féroces batailles. Seuls ceux disposant de reins solides pourront tirer leur épingle du jeu. L’arrivée début 1997 d’America Online (AOL) – premier prestataire de la planète – sur le marché japonais a marqué le début d’une terrible lutte pour la survie qui devrait se traduire par la disparition des plus faibles, d’autant plus que les entreprises de télécommunications ont commencé à investir le secteur. Les entreprises trouvent également leur intérêt dans le développement du commerce électronique auquel de plus en plus de Japonais sont sensibles. Certes cet engouement ne permet pas encore d’affirmer que le shopping en ligne est définitivement implanté dans le mode de vie des Japonais dans la mesure où de nombreux problèmes restent à régler, notamment en ce qui concerne le paiement sécurisé et l’adaptation des contenus au support électronique. 1998 devrait déboucher sur des solutions pratiques après les nombreux accords signés, en 1997, entre les banques, les sociétés de cartes de crédit. Si la plupart des observateurs mettent l’accent sur l’aspect commercial d’Internet, il n’en reste pas moins vrai que la démocratisation d’Internet modifie progressivement la façon de vivre des Japonais. Non seulement les SOHO (Small Office Home Office) connaissent un développement certain, mais dans la vie quotidienne, Internet prend une place de plus en plus importante. Pour certains, le Net permet de reconstituer les liens familiaux qui, depuis des années, avaient tendance à se distendre. Ryû Seiichi, un médecin de Fukuoka, a créé sur Internet ce qu’il a baptisé le “Ryu’s Bar” grâce auquel les divers membres de sa famille qui vivent dans l’Archipel et à l’étranger peuvent communiquer et échanger des informations quand ils “en ressentent le besoin”. Pour d’autres, comme ceux qui ont créé le Parti fédéraliste, le réseau des réseaux constitue la meilleure façon d’organiser l’”offensive” contre l’immobilisme du pouvoir poilitique incapable de construire le pays sur de nouvelles bases. Composée d’anciens membres du Parti libéral démocrate et de fonctionnaires déçus par le système, cette formation politique virtuelle souhaite mobiliser les électeurs-internautes autour d’un projet nouveau. Internet constitue un lieu d’expression de tous les problèmes, mais est aussi un instrument au service des citoyens. La classe politique traditionnelle, qui a jusqu’à présent préféré esquiver les questions de la nouvelle génération, doit désormais faire face à un nouveau type de contestation. Les projets visant à relier l’ensemble de la population à Internet et à permettre l’accès à de nombreux services administratifs via le réseau laissent à penser que les Japonais l’utiliseront de plus en plus comme un outil de démocratie directe.