Bernard, j’ai pondu ce texte cette nuit. Il est certainement à remanier, et probablement trop long. Fais au mieux… Si tu le désire, je peux te faire parvenir une photo pour illustrer Lorsqu’on leur parle de pliage de papier, la plupart des gens se souviennent de la cocotte, ou bien de l’avion ou du bâteau qu’ils ont pu réaliser dans leur enfance. Les Japonais, quant à eux, penseront immédiatement à la grue. Pour tous, le pliage de papier évoque une distraction enfantine, considérée comme ayant peu d’intérêt. En fait, l’origami a beaucoup évolué depuis quelques dizaines d’années. Le mot japonais origami figure depuis peu dans les dictionnaires français, et est utilisé partout dans le monde. Son principe ? Réaliser un objet uniquement par pliage, sans couper ni coller, à l’aide d’un simple carré de papier. En France, les livres expliquant comment réaliser des modèles étaient pratiquement introuvables il y a seulement dix ans. Aujourd’hui, on peut trouver 30 ou 40 titres traitant du sujet, et il en paraît chaque année de nouveaux! Et ceci n’est rien à côté de la littérature japonaise ou anglosaxonne… Des clubs et associations de plieurs se créent un peu partout dans le monde. Vous pensez qu’ils s’adressent à un public d’enfants ? Pas du tout ! La plupart des membres de ces associations ont un certain âge, voire un âge certain. On compte même aujourd’hui quelques professionnels, faisant à longueur d’année des expositions, des cours, et certains vendent leurs œuvres dans des galeries d’art. Comment en est-on arrivé là ? Au Japon, la tradition du pliage de papier est extrêmement ancienne. Elle remonte au VIIe siècle, où des moines bouddhistes importèrent ce matériau de Chine, où il avait été inventé deux siècles plus tôt. Les Japonais développèrent rapidement des papiers de très bonne qualité, grâce à l’utilisation pour leur fabrication de l’écorce de mûrier, le kôzô. Mais le papier resta rare et cher pendant de nombreux siècles. Il fut donc longtemps réservé à une élite, utilisé surtout par la Cour, ainsi que pour les cérémonies religieuses. Le papier, (et l’origami), ne se démocratisèrent que vers le XVIIIe siècle. C’est donc surtout depuis cette époque que les mères enseignent à leurs enfants des pliages traditionnels, dont la fameuse grue. En Europe, le papier fut importé par les Arabes. La tradition du pliage s’est perpétuée en Espagne (notre fameuse «cocotte», la Pajarita, est d’origine espagnole). Plus près de nous, le philosophe et poète espagnol Miguel de Unamuno (1864-1936) a produit deux traités sur le pliage. Il fallut attendre le XXe siècle pour que ces traditions japonaises et espagnoles du pliage communiquent. Le Maître japonais YOSHOZAWA Akira a grandement contribué à ce rapprochement est-ouest au travers de livres, expositions et conférences dans le monde entier : il commença sa carrière d’origamiste après 1945, à partir des bases traditionnelles, et en en inventant de nouvelles. Alors que la tradition comportait quelques centaines de modèles, il en a créé au cours de sa vie plusieurs milliers. C’est également lui qui mit au point un langage international, sorte d’«espéranto» du pliage. Il s’agit des symboles que l’on retrouve dans tous les livres d’origami. Enfin, par ses années d’expérience et son génie, il modela ses œuvres pour leur donner vie, et fit de cette distraction de potache un art véritable. Eric Joisel |