Entretien avec…
TANAKA TAKAFUMI
En effet, à travers son journal, il s’est attaché à ouvrir et à faire réagir le monde du “Hogaku”, musique traditionnelle japonaise. Ainsi, il a donné la parole à la jeune génération qui ne pouvait jusque là s’exprimer que très rarement. De la même manière, il a favorisé l’échange d’informations entre les musiciens, le public et les facteurs d’instruments alors que rien n’avait été auparavant fait dans ce sens. Avec nous, il fait le point sur les courants actuels et nous donne des nouvelles de la musique traditionnelle japonaise d’aujourd’hui.
Tanaka Takafumi,
rédacteur en chef de Hogaku Journal
Quelle était la situation de la musique japonaise il y a dix ans, quand vous avez commencé à publier ce journal?
T.T: C’était le début du boom du karaoké et la fin du boom minyo. Le minyo étant une forme de chanson folklorique accompagnée par le shamisen et/ou le shakuhachi. Vers 1960, alors que l’économie s’améliorait et se stabilisait, beaucoup de monde s’est mis à l’étude du minyo comme loisir. Au plus fort de cette vague, on dénombrait environ 3 millions d’assidus. Quand aux adeptes de musique traditionnelle, on estime qu’il y en avait environ un million. Aujourd’hui, ce nombre diminue, mais la popularité de la musique de koto est encore très forte, surtout auprès des femmes.
Comment expliquez-vous l’évolution de cette tendance jusqu’à nos jours?
T.T: Actuellement, la musique traditionnelle est divisée en plusieurs courants: traditionnel, contemporain, new wave, folklorique etc… Il y a 30 ans, est née la musique contemporaine occidentale utilisant des instruments traditionnels japonais. Elle est composée par des artistes japonais qui auparavant composaient de la musique de style occidental, à base d’instruments occidentaux. Cette approche a immédiatement recueilli un énorme succès et est devenue une sorte de mode. Takemitsu Toru, qui a composé «November Step», de la musique orchestrale avec biwa et shakuhachi, est l’un des pionniers.
C’est au même moment que Yamamoto Hozan, joueur de shakuhachi, a participé au Newport Jazz Festival aux Etats-Unis, avec une formation de jazz; ce qui a frappé non seulement le monde de la musique traditionnelle japonaise, mais également de nombreux connaisseurs à travers le monde.
Un orchestre, constitué uniquement d’instruments traditionnels japonais, s’est créé: le Pro Musica Nipponia “Nihon Ongaku Shudan”. Un nouvel instrument a vu le jour, il s’agit d’un koto à 20 et 25 cordes, créé pour pouvoir jouer un registre plus varié. Ce courant, né dans les années 70, reste toujours très actif. Avec l’influence du mouvement de «World Music» en Europe, les musiques d’Okinawa (sud du Japon) et de Tsugaru (nord), sont redécouvertes. Très différentes des autres musiques populaires japonaises, elles prenent l’étiquette de «musiques ethniques» et sont très appréciées. En 1990, un groupe de rock composé de la jeune génération de musique traditionnelle s’est formé, avec guitare électrique, batterie et shamisen électronique. Grâce à eux, l’image de la musique traditionnelle a énormément changé, surtout auprès des jeunes. Une musique résolument moderne et originale a vu le jour souvent accompagnée d’instruments occidentaux comme le violon, la guitare acoustique et qu’on appelle New Wave.
Depuis 10 ans, le taïko est devenu plus populaire. Il trouve d’autres applications, notamment dans le théâtre et le spectacle, alors qu’il était habituellement utilisé dans les festivals folkloriques. Et aujourd’hui…?
T.T: Personnellement et en général, je trouve que les choses vont bien. Même si le nombre de personnes qui apprennent et jouent de la musique japonaise est en diminution, le nombre de spectateurs est en continuelle augmentation. Autrefois, les spectateurs étaient également des musiciens. Aujourd’hui, parmi le public, il y a de plus en plus de gens qui ne jouent pas mais aiment et apprécient cette musique. Un autre bon coté est que le nombre de musiciens professionnels s’accroît un peu, surtout avec des jeunes musiciens, très actifs, qui donnent des concerts, enregistrent des disques et composent. Mais comme il n’y a plus assez d’élèves, beaucoup de musiciens ne peuvent plus vivre comme avant uniquement de l’enseignement.
Pouvez-vous conseiller à nos lecteurs quelques disques?
T.T: De nombreux CD sortent au Japon. Pour représenter la musique traditionnelle, je trouve que le CD de Hirai Sumiko “Yuki-Zangetsu” (Nihon Columbia) est un des meilleurs pour la musique de shamisen et le chant. Pour le shakuhachi traditionnel du style Meian, je recommanderais «Koku» par Monden Tekiku (Kyoto Records). Pour le courant contemporain, les disques du compositeur Ifukube Akira, et plus particulièrement “Eglogue symphonique – Concerto pour orchestre et koto” par Nosaka Keiko. Dans le style New Wave, «Tone, la musique de la terre» (Northern Lights Records), avec shakuhachi, koto et guitare, «Koto Vortex» avec un ensemble de 4 koto (Dai Nihon Ongakukai), et «Duo Kyoto Ayatori», duo de koto et violon (Victor). Ces derniers disques sont très populaires actuellement car ils réussissent à être à la fois originaux et très naturels.
Propos recueillis par Tsunoï Naoko.
Traduits par Muriel Zvellenreuther
Brian Yamakoshi au koto avec l'Orchestre Symphonique de Tokyo.
Les CD cités sont disponibles à:
Hogaku Journal,
mensuel publié à 15.000 ex
3-38-10 Takadanobaba
Shinjuku-ku
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