Cela fait plusieurs mois que les médias mettent en évidence le malaise de la jeunesse. La Grèce, l’Espagne, l’Italie, pour ne parler que des pays les plus proches, ont connu des manifestations parfois violentes de jeunes qui remettent en cause la société actuelle. La plupart d’entre eux ont pour référence les années 1960 aux cours desquelles leurs aînés ont réussi à imposer des transformations importantes. Au Japon, les jeunes ne se réfèrent guère à cette période. Ils sont peu nombreux à s’identifier au combat mené par les mouvements étudiants d’extrême gauche. D’ailleurs, ils ne les connaissent quasiment pas. Pour manifester leur colère vis-à-vis d’une société qui ne leur propose que la précarité et la pauvreté, ils se tournent vers la littérature prolétarienne, notamment le roman de Kobayashi Takiji La Bateau-usine (Kanikôsen) paru initialement en 1929. En l’espace de quelques mois, l’ouvrage s’est vendu à des centaines de milliers d’exemplaires. Aujourd’hui, grâce aux éditions Yago, le public français peut découvrir ce texte. Celui-ci décrit les conditions de travail déplorables de ceux qui devaient mettre en boîte le crabe pêché en mer d’Okhotsk et leurs tentatives pour y mettre fin. Dans le contexte de l’époque qui voyait le Japon tenter de tenir la dragée haute aux Occidentaux (incarnés ici par la Russie), il fallait que les hommes se sacrifient pour la patrie au point d’en oublier leur condition humaine. Aujourd’hui, les jeunes Japonais veulent qu’on les reconnaisse pour ce qu’ils sont. Ils ne veulent plus être une main-d’œuvre corvéable à merci. C’est ce qui explique pourquoi le roman de Kobayashi les a captivés. Nul doute que la jeunesse française s’y retrouvera aussi. C. L.
Kobayashi Takiji
Le Bateau-usine, trad. par Evelyne Lesigne-Audoly, éd. Yago, 18€