Sophie Houdart nous avait déjà régalées avec La Cour des miracles. Ethnologie d’un laboratoire japonais (CNRS Editions, 2008). Elle revient cette fois avec un petit ouvrage consacré au grand architecte Kuma Kengo qu’elle a coréalisé avec Minato Chihiro. Il ne s’agit pas d’une énième étude critique de l’œuvre de l’architecte qui depuis une dizaine d’années est devenu l’une des références de l’architecture japonaise. Ce livre va bien au-delà, car il propose simplement de comprendre comment travaille celui qui “a déployé, à mesure des années, une véritable sémantique de la disparition : faire disparaître, masquer, enterrer, dissoudre, particulariser, pixelliser”. En observant au jour le jour la façon dont Kuma et ses collaborateurs élaborent des projets, les auteurs nous permettent de saisir tout ce qui se cache derrière les créations architecturales. C’est un livre très prenant dont on n’arrive pas à se détacher tant il donne des clés pour aborder le travail de Kuma. L’importance qu’il accorde à certains matériaux, son souci de “réhabiliter” la tradition architecturale nippone, l’accent qu’il met sur le milieu, tout cela apparaît clairement au fil des pages même si ce n’est pas Kuma qui le dit lui-même. A l’instar de l’architecture immatérielle de Kuma, les auteurs ont réussi à faire disparaître l’architecte tout en le mettant au premier plan. Un véritable tour de force. C. L.
Sophie Houdart et Minato Chihiro
Kuma Kengo, une monographie décalée,
éd. Donner Lieu, 14€