La vocation, c’est avoir pour métier sa passion”. Cette citation de Stendhal sied parfaitement à Jean-Jacques Origas qui a passé une grande partie de sa vie à transmettre son amour pour la langue et la littérature japonaise. Ceux qui ont eu la chance de suivre ses cours aux Langues O’, j’en fus, se souviennent de sa verve, de son sens de la précision et du détail lorsqu’il commençait à évoquer ses auteurs préférés Natsume Sôseki, Mori Ôgai ou encore Masaoka Shiki. Monsieur Origas, comme nous l’appelions tous, nous transportait alors dans le temps vers cette époque si importante pour le Japon que fut l’ère Meiji (1868-1912). Nous avions rendez-vous avec “ses” écrivains, ceux pour lesquels “il a ressenti, pour la première fois, le plaisir d’une lecture passionnée”, comme il a pu l’écrire dans un article paru en 1964 dans la revue japonaise Gakutô. Traduit du japonais, ce document sert d’introduction au recueil intitulé La Lampe d’Akutagawa : Essais sur la littérature japonaise moderne dans lequel Emmanuel Lozerand et Christophe Marquet ont réuni une trentaine de textes signés par Jean-Jacques Origas tout au long de sa carrière universitaire qui a duré près de quatre décennies.
Edité par Les Belles Lettres qui semble vouloir donner à sa Collection Japon une nouvelle dimension avec la publication de fictions (Mori Ôgai, Higuchi Ichiyô) et d’essais sur l’Archipel, cet ouvrage permet d’appréhender non seulement l’érudition de son auteur, mais aussi et surtout la façon dont la littérature japonaise du début du XXe siècle a accompagné les transformations de la société toute entière. “Ôgai et Sôseki voulaient sans relâche mettre en rapport leur propre littérature avec autre chose que de la littérature : ils voulaient sans relâche affronter la réalité extérieure”, note Jean-Jacques Origas qui, confie-t-il, n’est plus “sorti de ce territoire étroit qui s’étend sur les quelques années qui couvrent la fin de l’ère de Meiji et le début de Taishô”. Plus on avance dans la lecture de ce recueil, plus on saisit l’importance de cette littérature dite moderne. Dans chacun des textes, on perçoit la passion d’un homme qui a trouvé dans la production littéraire japonaise “simplement, le bonheur de vivre”. Une déclaration d’amour simple et touchante que l’on ne saurait trop conseiller de lire avant d’entreprendre une exploration des lettres nippones.
Telle une véritable lampe dont on ne peut se passer pour éclairer nos lectures nocturnes, La Lampe d’Akutagawa de Jean-Jacques Origas s’impose à nous pour accompagner notre découverte du Japon et de sa littérature. Des ouvrages de cette qualité sont suffisamment rares pour qu’on se prive de celui-ci. Jean-Jacques Origas nous a quittés en 2003, mais il a laissé derrière lui les traces de sa passion. A nous lecteurs de l’entretenir et de la transmettre.
Claude Leblanc
La Lampe d’Akutagawa : Essais sur la littérature japonaise moderne, de Jean-Jacques Origas, éd. Les Belles Lettres, Collection Japon, 35€.