Il y a quelques années, François Place avait publié un remarquable ouvrage intitulé Le Vieux fou de dessin (éd. Gallimard Jeunesse, 1997) dans lequel l’auteur, s’adressant à un public jeune, racontait la passion de Katsushika Hokusai pour le dessin et l’estampe. Décédé il y a 160 ans, quelques années avant que le Japon ne s’ouvre à l’Occident et que ses œuvres fassent l’objet d’un véritable culte de la part de collectionneurs et d’artistes occidentaux, Hokusai est une nouvelle fois à l’honneur dans une grande exposition au musée Guimet à Paris. Emile Guimet, qui fut l’un des premiers Français à fouler le sol nippon et à s’extasier devant la qualité des estampes, a créé ce qui est devenu le musée des arts asiatiques. Il était donc logique que l’institution qui porte aujourd’hui son nom rende hommage à “Hokusai, l’affolé de son art”. Ce sont quelque 130 dessins, estampes et peintures de l’artiste, à savoir toute la collection du musée, qui sont ainsi présentés pour la première fois au public français. Constitué depuis le XIXème siècle grâce aux dons de nombreux amateurs, le fonds Hokusai du musée Guimet est l’un des plus importants dans le monde, et le musée a d’ailleurs voulu honorer ces généreux donateurs en ajoutant au titre de l’exposition “d’Edmond de Goncourt à Norbert Lagane”. Le premier nom nous est familier, ne serait-ce qu’en raison du fameux prix littéraire qui porte son patronyme. Il est également celui qui a consacré la première biographie à Hokusai, en 1896, contribuant ainsi à la notoriété de l’artiste en France où de nombreux peintres vont s’amouracher de ses réalisations. Le second l’est beaucoup moins. Il s’agit d’un pharmacien décédé en 2004 qui possédait une collection exceptionnelle d’œuvres d’Hokusai. Sans lui et quelques autres, nous ne pourrions pas apprécier la délicatesse et la précision du trait de Hokusai dont certaines pièces uniques nous sont aujourd’hui proposées au musée Guimet. Entre les dessins de courtisanes, les paysages, les scènes de rue, les fameuses Trente-six vues du mont Fuji, le visiteur découvrira la diversité des sujets qui ont inspiré cet homme dont on dit qu’il est le père du manga. On lui doit ainsi le terme qui désigne de façon générique la bande dessinée au Japon. “Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc.”, écrivait-il dans la postface aux Cent vues du mont Fuji. Au début du XIXe siècle, il avait compilé des dessins pour constituer l’Edehon Hokusai manga (Manga de Hokusai pour apprendre à dessiner). Sa technique a largement été reprise par les dessinateurs modernes. Ishinomori Shôtarô (1938-1998), l’un des grands mangaka contemporains, lui a d’ailleurs rendu un vibrant hommage dans un manga paru en 1987 et sobrement intitulé Hokusai. Il aurait sans doute préféré être reconnu de son vivant, mais ce ne fut pas le cas. Il est mort dans la misère. La reconnaissance de son œuvre est intervenue plus tard sous l’impulsion d’amateurs occidentaux qui ont contribué à favoriser la diffusion de son travail y compris au Japon. Aujourd’hui, personne ne peut imaginer parler de l’art japonais sans évoquer Hokusai et son œuvre. A tel point que beaucoup considèrent actuellement La Grande vague de Kanagawa qui appartient à la série des Trente-six vues du mont Fuji comme la référence de l’art nippon. Dans cette exposition exceptionnelle présentée au musée Guimet, tout le monde y trouve son compte. L’amateur de peinture sera ému devant le diptyque formé du Tigre sous la pluie et du Dragon sous les nuages, dernières œuvres connues de Hokusai, tandis que le passionné de manga pourra contempler des dessins qui lui rappelleront certaines expressions vues dans ses lectures préférées. Et puis, celle ou celui qui n’a pas de raison particulière de s’intéresser à Hokusai, si ce n’est la curiosité de découvrir un nouvel univers, sera ébloui par la diversité des pièces présentées. Une occasion rare qui pourra être prolongée grâce au beau catalogue réalisé sous la direction de Hélène Bayou, commissaire de l’exposition et conservatrice au musée Guimet. C. L. Musée Guimet, 6, place d’Iéna 75116 Paris. Tous les jours sauf le mardi de 10h à 18h. Jusqu’au 4 août. |
Trente-six vues du Mont Fuji (Fugaku sanjûrokkei) Vent frais par matin clair (Gaifû kaisei) 1830-32 Impression polychrome (nishiki-e), format ôban Editeur : Eijudô Signature : Hokusai aratame Iitsu hitsu
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