En 1964, un film japonais d’un réalisateur quasiment inconnu recevait le prestigieux Prix spécial du jury du Festival de Cannes. Il s’agissait de La Femme des sables (Suna no onna), second film de Teshigahara Hiroshi, fils du maître d’Ikebana Sofu. Grâce à la fortune de son illustre père, il avait déjà réalisé quelques courts-métrages documentaires, tout en fréquentant un cercle de tendance surréaliste Seiki (le Siècle), où il avait rencontré l’écrivain Abe Kôbô. C’est à partir de cette “affinité élective” que Teshigahra conçut son premier long métrage, Le Traquenard (Otoshiana, 1962), adapté d’une nouvelle d’Abe. Mais la véritable révélation de “l’auteur” fut en effet La Femme des sables, film “unique” dans lequel le cinéaste transposait superbement l’univers absurde d’Abe Kôbô, obsédé par les thèmes de la disparition physique (jôhatsu), alors très en vogue et de la perte d’identité sociale.![]() Carlotta Films nous en propose, à partir du 11 avril, la version intégrale (2h20), inédite en France, et remasterisée. Cette fable absurde prend pour prétexte la disparition physique d’un entomologiste interprété par Okada Eiji dans de mystérieuses dunes, pris au piège d’une étrange communauté des sables, et en particulier d’une femme sensuelle qui vit dans une maison ensablée au fond d’un entonnoir qu’elle n’arrive pas à déblayer. D’abord désireux de s’échapper et de rentrer chez lui, l’entomologiste se laisse ensevelir peu a peu par le sable insidieux et omniprésent. “Le sable représente pour moi la société dans laquelle nous vivons. Or d’habitude, le sable et les dunes, sont un paysage plutôt romantique. Dans mon film, j’ai essayé de mettre en relief l’autre aspect du sable, celui qui bloque, qui gène l’activité des hommes. Car cette matière a aussi un côté nocif…”, expliquait Teshigahara à l’époque. Si ce film nous fascine toujours, c’est bien par son envoûtement esthétique, grâce à l’extraordinaire photo en noir et blanc de l’opérateur Segawa Hiroshi, qui traite le sable comme un personnage érotique avec ses coulées incessantes et grâce à l’inimitable bande sonore du grand Takemitsu Tôru. La sensualité de l’actrice Kishida Kyôko est évidemment pour beaucoup dans la réussite de ce film qui cristallisait alors les obsessions d’un Japon à la modernité inquiétante. Sore ja, mata, Max Tessier |
Okada Eiji et Kishida Kyoko dans La Femme des sables de Teshigahara Hiroshi Carlotta films |
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DVD : KUDO EIICHI À L’HONNEUR![]() M. T. Coffret Eiichi Kudo, Wild Side Vidéo, 49,99€. |
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