Les Japonais champions du monde de la photo ? A voir la concurrence que se livrent les mondialement célèbres fabricants d’appareils-photos du pays pour satisfaire une clientèle toujours plus avide de nouvelles technologies, on se dit en effet qu’une grande partie de la population est sans aucun doute équipée pour réussir les plus beaux clichés qui soient. Bien sûr, l’art de la photographie n’est pas étranger à la culture nipponne et les grands noms ne manquent pas (Hosei Eikô et Moriyama Daidô, pour ne citer que ceux-là), mais ce qui marque surtout chez les Japonais, c’est leur formidable aptitude à avoir développé son côté populaire. Depuis une époque où la photographie s’est substituée à la peinture pour réaliser des portraits et des représentations d’objets ou de lieux jusqu’alors réservés à une élite économique, la faculté de prendre une photo s’est rapidement rendue accessible à une large majorité des populations, et les Japonais ne semblent aujourd’hui absolument pas débarrassés de cette pratique qui consiste à accumuler les clichés proches du portrait peint le plus classique. On peut se demander où est l’utilité d’un appareil numérique à dix millions de pixels, avec mesure matricielle 3D, prise de vue en rafale et vitesse d’obturation à 1/4000 pour finalement se contenter de faire poser sa famille ou ses amis devant le Pavillon d’or, au pied du Mont Fuji ou à l’entrée du château de la Belle au Bois dormant de Disneyland. Qu’importe la qualité d’image, les Japonais aiment collectionner les trombines, ne serait-ce que par l’objectif de leur téléphone portable aux effets sonores si réalistes : kasha.
Pierre Ferragut