Photographier des corps sur lesquels sont projetées des diapositives : l’idée n’est pas neuve en soi, certes. Mais tout dépend de ce qui est photographié et qui est le photographe… La galerie ACTE 2 accueille jusqu’au 5 novembre les œuvres de Hosoe Eikoh né en 1933, l’un des plus grands maîtres japonais de la photographie artistique. Connu pour son travail magistral en noir et blanc depuis plus de 50 ans (Photographies de Mishima et d’un des pionniers du Butô, Hijikata Tatsumi), Hosoe a décidé d’aborder le XXIème siècle en couleurs, sans renier les thèmes qui lui sont chers : l’exploration du corps humain et sa mise en scène photographique. C’est ainsi qu’il met en scène les corps nus des disciples de Hijikata, dans l’atelier même de ce dernier avant sa destruction, rendant un hommage appuyé à l’homme qui révolutionna la danse Butô. Lieu mythique de l’avant-garde tokyoïte créé en 1950 par Motofuji Akiko (épouse de Hijikata), le studio Asbestos était un lieu de rencontre et d’échanges prolifiques entre artistes d’avant-garde dans les années 60 – 70. Peints en blanc, les danseurs butô furent, le temps des séances de pose, l’écran vivant sur lequel étaient projetés des sujets classiques de l’Ukiyo-e et des shunga (estampes érotiques) réalisés au XVIIIème siècle par les maîtres Harunobu, Uta-maro ou Hokusai. Les images de corps provenant des estampes se mélangent alors sensuellement et inextricablement aux vrais corps nus des modèles, en une nébuleuse esthétique qui prend une quatrième dimension. “Toutes nos séances de travail ont été des moments d’une grande intensité créatrice, inspirée par Hijikata Tatsumi, dont l’esprit planait encore sur les lieux”, rappelle le photographe.
Diplômé de l’université de photographie de Tokyo en 1954, Hosoe a fait sa première exposition individuelle en 1956. Depuis près d’un demi-siècle, il a produit des travaux qui font date dans l’histoire de la photographie et s’est imposé comme l’un des plus grands photographes de la scène internationale. Il abandonne rapidement le documentaire pour se consacrer à la réalisation d’images plus audacieuses, utilisant la mythologie, les métaphores et les sources théâtrales. “Au Japon, le mot “photographie” s’est sans doute trop vulgarisé. Cela a restreint le champ d’expression photographique. Au Japon, on a un peu trop tendance à considérer que les seuls genres photographiques acceptables sont le reportage de presse, les paysages ou les photos instantanées. Pour moi, la photo est quelque chose de beaucoup plus libre”, aime bien théoriser Hosoe, qui donne aussi des cours de photos et dirige le musée de la photographie de Kiyosato (préfecture de Yamanashi). Il y a 20 ans, le musée d’art moderne de la ville de Paris lui avait consacré une rétrospective mais c’est la première fois en France qu’il expose, en exclusivité, son travail en couleur. A ne pas rater…
Etienne Barral
UKIYO-E Projections, jusqu’au 5 novembre 2004
Galerie Acte 2
41 rue d’Artois 75008 Paris
Tél. : 01.42.89.50.05
Pour en savoir plus :
acte2photo.com/actualites.html