L’automne est toujours un moment propice pour prendre la température du cinéma japonais. En effet, se succèdent très rapidement les festivals internationaux de Pusan, en Corée du Sud, le Tokyo International Film Festival (TIFF), et le Tokyo Filmex, qui permettent de voir un nombre consistant de nouveaux films made in Japan, et d’en mesurer l’impact réel. En vérité, face au raz-de-marée du cinéma coréen, en plein boom, ce que nous voyons ici du cinéma japonais balisé par les festivals et la critique, n’est pas toujours à la hauteur… Economiquement et en termes de production, le cinéma indépendant se porte plutôt bien, et plusieurs dizaines de films, dont un nombre croissant de premières œuvres, l’attestent. Mais quid des productions en termes d’expression artistique ? Les résultats sont plus que variables, comme le prouvent quelques films récemment vus. Si Sakamoto Junji, un cinéaste injustement méconnu en France, propose, dans Out of this world, le portrait intrigant d’un jazz-band dans le Japon d’après-guerre, sa description des rapports nippo-américains en 1947 n’est pas tout à fait convaincante ; encore moins le cas dans le nouveau film de Sai Yôichi, Chi to hone (Le Sang et les os), adapté d’un best-seller de l’écrivain coréen Yang Sogiru qui dresse le portrait d’une famille d’immigrants coréens dans les années 1920 menée par le patriarche Shumpei interprété par Kitano Takeshi. Celui-ci se livre à un numéro de vieux salaud ultra violent assez complaisant dans la bastonnade. Reste que cette saga est platement filmée et trop répétitive dans la violence rituelle. Mais ce n’est rien à côté du festival abrutissant de violence gratuite dans Izo, l’un des derniers opus du très prolifique Miike Takashi, dans une trop longue agonie (128 mn)… On préférera son sketch Box dans le film omnibus 3 Monsters, à l’inspiration fantastique et poétique, proche parfois de Terayama Shûji (les deux autres épisodes sont signés du Chinois Fruit Chan, le meilleur, et du Coréen Park Chang Wook, le plus tape à l’œil, évidemment). Autre déception, après son intéressant Shôjo (Une adolescente), le nouveau film de l’acteur Okuda Eiji, Runin’ (The Exile), interminable (2h30) parabole pseudo-imamurienne, située dans un bagne insulaire au XIXème siècle. Parmi les relativement bonnes surprises, on citera Warai no daigaku (L’Université du rire), de Hoshi (ne pas confondre avec le réalisateur de dessins animés Oshii) Mamoru, prenant comme personnage central l’auteur de comédies Sakae Kikuyan (qui écrivit pour le très populaire comédien Enoken), en conflit avec la censure des années 1940. Et chez les cinéastes un peu plus connus, le dernier film de Tsukamoto Shinya, Vital, horrifique parabole située en milieu hospitalier, et surtout, le nouvel opus du vétéran Yamada Yôji, Kakushi ken (Le Sabre caché), qui fit l’ouverture du festival de Tokyo, un jidaigeki solide et émouvant, même s’il n’atteint pas l’intensité dramatique de son précédent film Tasogare seibei resté inexplicablement inédit en France. Enfin, coté Tokyo Filmex, le dernier film de Shiota Akihiko, Kanaria (Canary) semble avoir fait sensation, alors que celui de Shibata Go, Osoi hito (Late bloomer) confirme les propensions de son auteur pour la violence auto-complaisante. Ce bilan mitigé du cinéma japonais actuel nous conduit à une certaine et compréhensible nostalgie de “l’Age d’Or” et des “valeurs sûres” : Uchida Tomu au Filmex, avec un panorama de quatorze films de 1933 à 1968 (dont certains très rares, récemment restaurés), ou le magnifique hommage à la grande actrice Takamine Hideko, au Film Center de Kyôbashi, où l’on pouvait revoir de grands classiques, et découvrir des films rarissimes, jamais sortis du Japon. Natsukashii… Soreja, mata, Max Tessier |
Kakushi ken de Yamada Yôji |
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