Cahin-caha, des films japonais continuent de sortir dans les salles, pour le meilleur et pour le pire, et pour tous les goûts… Gaumont Buena Vista continue de puiser dans le riche vivier des studios Ghibli, où dorment encore des dizaines de films animés non-distribués en France, et nous propose cette fois-ci Kiki la petite sorcière (Majo no takkyûbin), que Miyazaki Hayao avait réalisé en 1989. Si ce n’est pas le meilleur film de l’auteur, qui a fait beaucoup mieux depuis, on y retrouve évidemment sa thématique de prédilection: l’enfant et les sortilèges – ici la petite Kiki, apprentie-sorcière dans une ville européenne non-définie, qui fait son apprentissage comme livreuse de boulangerie. On n’en est certes pas au Voyage de Chihiro, mais tous les éléments sont déjà en place, dans un joli animé aérien nettement dirigé vers les très jeunes spectateurs, avec quelques échappées pour les adultes.
A l’opposé, le pur et dur “film d’auteur” de Kawase Naomi, Shara (Shara sôju), en compétition à Cannes l’an dernier, avait plus marqué les critiques que le public et le jury, qui ne lui a rien décerné. Comme d’habitude, la cinéaste, adepte du JE, s’investit totalement dans son film (où elle tient le rôle de la mère, réellement enceinte, avec accouchement en direct…), dont le semblant d’histoire part de la disparition d’un enfant à Nara. Entre documentaire et fiction distendue, Kawase, très surestimée par une bonne partie de la critique française depuis son coup d’éclat à Cannes avec Suzaku (Moe no suzaku), Caméra d’or en 1997, peine à suivre un fil narratif ténu, en forçant le réalisme jusque dans ses derniers retranchements. Aucune concession dans ce film très personnel, intéressant, mais pas au point d’éviter tout à fait l’ennui…
Enfin, de loin le plus convaincant, le film de Kurosawa Kiyoshi, Séance (Kôrei, en japonais titre même pas mentionné par un distributeur paresseux!), tourné pour la télévision en 1999/2000, est l’exemple de ce que sait faire le mieux son auteur prolixe: explorer les arcanes de la para-psychologie, comme il l’avait fait dans Cure, Charisma, Kairo, ou Doppelganger, son dernier film, encore inédit en France, avec son acteur-fétiche, son double à l’écran, Yakusho Kôji. Sur un scénario adapté d’un roman de Mark McShane, Seance on a wet afternoon (déjà porté à l’écran en 1964 par le cinéaste anglais Bryan Forbes), Kurosawa Kiyoshi traîte avec maîtrise et le sens du mystère des conséquences para-normales de la disparition d’une petite fille, et du désarroi de ses parents, en proie à son revenant. Bien meilleur que le surestimé Jellyfish (Akarui mirai), qui a connu un échec public prévisible l’an dernier.
C’était la série “les hasards de la distribution” (des films japonais en France), vaste sujet sur lequel je reviendrai très bientôt dans les colonnes d’OVNI.
Soreja, mata.
Max Tessier
Séance de Kurosawa Kiyoshi
Kiki la petite sorcière (Majo no takkyûbin), animé de Miyazaki Hayao (1989) , 1h42. Dist. GBVI.
Shara (Shara sôju), de et avec Kawase Naomi (2003), 1h39. Dist. Pyramide Films.
Séance (Kôrei), de Kurosawa Kiyoshi (2000), 1h37, avec Yakusho Kôji, Fubuki Jun, Kusanagi Tsuyoshi. Dist. Zootrope Films.