Avoir la goutte au nez, ça arrive à tout le monde, surtout en cette saison de rhume des foins. Si, au Japon comme en France, le fait d’éternuer n’est pas particulièrement mal apprécié en société (on ne peut pas se retenir de tout), celui de se moucher y est considéré tout autrement. C’est qu’il y a des sons qui dérangent par ce qu’ils évoquent, et la logique n’est pas toujours la même que chez nous. Ainsi, il semble plus normal pour un Japonais en public de se racler le fond de la gorge toutes les dix secondes dans un reniflement vrombissant, plutôt que de se vider le nez une bonne fois pour toute en se mouchant un bon coup. Vu du Japon, on dira qu’il vaut mieux contenir en ses narines ce qui, une fois expulsé au dehors, tient pour substance repoussante à forte concentration en microbes… Au Japon, les mouchoirs existent bien, mais sont davantage réservés à s’essuyer les mains après se les être lavé, ou à éponger la sueur qui ruisselle de toute part en été. Seuls les mouchoirs en papier, consommés d’ailleurs en grande quantité, participent à cette opération décidemment pas si anodine de vidange des fosses nasales. Et là encore certaines précautions sont à prendre. C’est ainsi que l’on surprendra dans une classe dont le cours bat son plein par exemple un élève demandant à son professeur la permission de quitter momentanément la salle pour aller se moucher. Cependant, comme on ne peut pas abuser davantage de la bonté de son professeur et par là même pertuber plus d’une fois le déroulement du cours, l’élève qui a la goutte au nez pourra ensuite, sans quitter sa place et toute à sa guise, faire bourdonner sa cloison nasale dans une série de gusu gusu d’une résonnance pourtant tout aussi évocatrice à mon goût.
Pierre Ferragut