M. Kawai, psychologue de formation a été nommé Secrétaire d’état à la Culture après avoir été Conseiller auprès du Ministre de l’Éducation, de la Culture et des Sports en 2001. Dans une excellente conférence sur “La structure mentale des Japonais”, il s’est efforcé de mettre en lumière, avec humour, les différences qui opposent les mentalités japonaise et occidentale. En effet, le Japonais cherche dans une conversation à éviter la confrontation tandis que l’Occidental donnera son opinion de manière plus directe. M. Kawai explique comment le Japonais procède et pour quelles raisons il se comporte de cette manière. Le Japonais veut éviter de heurter son interlocuteur. Il va, pour ce faire, tenter de deviner l’opinion de la personne qui lui fait face. Le même raisonnement opère au niveau collectif. Avant de prendre une décision, un groupe cherche, de fait, à trouver la formule qui préservera l’harmonie du groupe. C’est cette démarche qui conduit fréquemment l’Occidental à penser que le Japonais est sans avis : “What would you like to drink ?” demandera l’Américain ; “I don’t know”, répondra le Japonais. Si le Japonais a bien un avis, il hésite sur la manière de le formuler : il cherche avant toute chose à comprendre dans quelle configuration il se trouve et ce qu’on peut attendre de lui, ce qui demande un délai de réflexion. Il tente d’appréhender la situation avec distance pour comprendre quelle place lui revient. C’est ce que M. Kawai appelle la logique du “centre vide” par laquelle le chef est avant tout chargé de préserver le vide (conceptuel) autour duquel s’établit l’équilibre collectif. Il relève que le système japonais fonctionne de telle manière qu’il est complètement déstabilisé lorsque ce vide central est comblé – comme il l’a été, selon lui, par l’armée dans les années 1930. Ainsi, non seulement ce vide, absent en Occident, existe, mais il est essentiel. Par conséquent, l’importation au Japon de la mentalité occidentale est non seulement inenvisageable, mais se révélerait dangereuse. M. Kawai se montre donc assez réservé sur l’éventualité d’une occidentalisation du mode de pensée au Japon. M. Kawai estime toutefois que les jeunes femmes japonaises adoptent plus volontiers l’approche occidentale (sans doute parce qu’elles ne sont plus satisfaites de la place que leur assigne le système traditionnel). Dans un contexte professionnel, elles expriment leurs opinions clairement, ce qui conduit l’audience, majoritairement masculine généralement (dans un conseil d’administration par exemple), à approuver (suivant la démarche traditionnelle, afin d’éviter l’opposition), sans pour autant passer à l’action subséquemment. Si M. Kawai considère comme impossible une tentative de conciliation des deux approches, il convient qu’une rencontre des deux systèmes intervient naturellement dans les faits, de par les liens commerciaux du Japon et de l’Occident. Comment, dès lors, organiser la cohabitation des deux systèmes? Lui-même parvient à se transposer dans la dimension occidentale lorsqu’il est en compagnie d’Occidentaux. De la même manière, des Occidentaux familiers du Japon pourront “changer de mode” pour faciliter leurs relations avec des Japonais. M. Kawai est toutefois conscient qu’en situation d’urgence, quand une décision difficile lui incombe, ses réflexes traditionnels reprennent le dessus. Mais, après tout, à partir du moment où Occidentaux et Japonais comprennent et admettent ces différences, qui peut souhaiter l’uniformité ? Guibourg Delamotte |
Conférence donnée à la Maison de la culture du Japon le 3 mars 2002 par M. KAWAI Hayao
Cette conférence sera prochainement disponible dans son intégralité au centre audiovisuel de la MCJP. |